« Quelque chose est en train de se jouer » – Retour à chaud sur les JESER

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jeudi 8 septembre 2022

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« Quelque chose est en train de se jouer ». Tel est le sentiment que beaucoup retiendront à la sortie des premières Journées d’Été des Savoirs Engagés et Reliés et c’est ainsi qu’Isabelle Stengers, philosophe des sciences présente lors des Journées, a introduit son témoignage.

Quelque chose est en train de se passer quand partout en France émergent des collectifs de chercheuses et chercheurs qui questionnent leur métier à l’aune des crises que nous traversons. Quelque chose est advenu quand devient viral l’appel des étudiant·e·s d’AgroParisTech et d’ailleurs à déserter pour ne plus cautionner un système reproduisant les mêmes erreurs suicidaires. Quelque chose apparaît quand le souhait de ces étudiant·e·s et chercheur·e·s est avant tout de mêler leurs savoirs avec celui du terrain, des luttes et des associations, pour créer des savoirs engagés et reliés.

Et c’est afin de se relier, entre collectifs et individus que ces premières JESER ont été organisées. Fruit d’une relation que nous avons tissée ensemble lors de nombreux travaux au cours des dernières années, la dynamique collective a réellement débuté en 2021, lors des Universités d’été des Mouvements Sociaux où quelques unes des organisations avaient lancé les « États Généraux des Sciences et Techniques Engagés ». Elle s’est poursuivie tout au long de l’année 2022 avec quelques réunions et événements publiques dans différentes villes, ce que nous avions alors appelé la tournée « Rester, Résister, Déserter, Désherber ». Au printemps, portés par cette dynamique, nous annoncions la création d’un collectif, le Mouvement des Savoirs Engagés et Reliés.

Conscient de la nécessité de faire corps pour être visibles et créer un point de ralliement pour de nombreuses personnes en questionnement sur le rôle des sciences en société, onze organisations* ont proposé ces trois journées de rencontres, à Lyon, les 27-28-29 août 2022, qui ont rassemblé près de 200 personnes (correspondant à notre capacité maximale d’accueil). Ces journées conçues pour favoriser les rencontres et un socle commun de réflexions ont pleinement rempli ces objectifs, grâce notamment à l’expérimentation de bourses aux activités où chacun·e pouvait proposer des ateliers. Non seulement ces ateliers ont crée l’espace nécessaire à l’interconnaissance et la prise de paroles même des plus timides d’entre nous, mais elles ont aussi dévoilé des savoir-faire d’animateurs débutants, ils se reconnaîtront.

Le format table ronde, choisi pour donner à voir à tous la diversité des formes et des thèmes des savoirs engagés et reliés a été jugé plus contraignant, du fait de la chaleur ambiante et de la multiplicité des sujets. Néanmoins, l’ensemble des informations récoltées constituent désormais un héritage commun et procure une force de savoir que tant de choses se font dès aujourd’hui, dans les associations, les laboratoires ou hors de toutes structures. La 1ère table ronde en faisant intervenir des membres d’associations a pu montrer l’extrême pertinence des savoirs développées par les populations autochtones, les chercheur·e·s indépendant·e·s et militants pour garantir une société vivable. La seconde table ronde a montré la richesse des connaissances produites par le croisement de savoirs d’origine diverses et la force politique des actions en résultant. Le second jour, les deux tables rondes ont exposé une diversité de dispositifs permettant la création de savoirs engagés et reliés, via des modalités différentes et complémentaires, allant de la recherche participative aux collectifs engagés.

Chacun·e·s des témoins de ces journées (Hadrien Clouet, député de la Haute-Garonne, Isabelle Stengers, philosophe des sciences et Chloé Vidal, adjointe à la mairie de Lyon) ont souligné l’intérêt d’échanger autour des ces actions positives et transformatrices, sans perdre davantage de temps à dénoncer les mécanismes délétères arrimant sciences, croissance économique et destruction de la planète.

C’est donc avec un grand étonnement que bon nombre des participants à ces journées entament (pour la première fois ?) la rentrée 2022, car nous nous sommes sentis nombreux et surtout en phase : « quelque chose est en train de se jouer ». Aucune pluie, aucune nouvelle actualité n’enlèvera le plaisir que nous avons eu à nous rencontrer. Ce plaisir est décuplé pour les membres de Sciences Citoyennes, car l’association, qui va fêter ses 20 ans à l’automne, mesure le chemin parcouru depuis les années 2000 où elle naviguait seule pour la défense d’un tiers secteur scientifique « répondant à des besoins sociaux et écologiques croissants et négligés ». Nous sommes déjà plus que 3000 arrivés au port et ce n’est que le début.

Pour rejoindre la dynamique en cours et être tenu au courant des suites, vous pouvez vous consulter le site du Mouvement des Savoirs Engagés et Reliés, vous inscrire sur la lettre d’information de ce Mouvement naissant https://framalistes.org/sympa/subscribe/mser et bien sûr adhérer à Sciences Citoyennes pour participer à son projet associatif : https://sciencescitoyennes.org/l_association/adherer

* les 11 organisations sont Atécopol, Coexiscience, Écopolien, la Fabrique des Questions Simples, Ingénieur.e.s Sans Frontières, Ingénieur.e.s Engagé.e.s Lyon, Klask, La Myne, PiNG, RogueESR, Sciences Citoyennes

Crédit photo : Baptiste Soubra, Fabien Piasecki