OGM / Monsanto : pourquoi il y a si peu d’études scientifiques sur le sujet

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mardi 25 septembre 2012

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Cet article est paru le 25/09/2012 sur le site Le Plus du Nouvel Observateur.

Les OGM sont des productions de laboratoires. Certains demeurent au service des scientifiques, comme les animaux modifiés pour servir de modèles expérimentaux, d’autres s’intègrent à l’univers médical ou industriel, tels les micro-organismes qui fabriquent des médicaments ou des molécules nouvelles.

Ces créatures sont maintenues captives dans un univers savant (animalerie de recherche, fermenteur), elles répondent globalement et sans dérive notoire au projet qui les a inventées et passent inaperçues du public tant elle s’intègrent docilement à la recherche ou à l’industrie.

Les OGM dans la nature

Au contraire, les OGM du 3e type, les plantes génétiquement modifiées (PGM), sont des créatures volages que leurs promoteurs s’efforcent de substituer brusquement aux plantes natives. Et ce, sans prendre en compte les bouleversements imposés au monde paysan, aux plantes indigènes, aux êtres vivants alentour, comme si la culture et la sélection des plantes n’étaient pas intégrées dans la culture des hommes et dans des équilibres complexes d’évolution lente.

Alors que l’accompagnement scientifique ne lâche pas les OGM esclaves, toujours aux mains vigilantes des blouses blanches, la vie rurale des PGM, pourtant également inventées par la techno-science, ne dépend plus que de l’énorme appareil commercial qui les produit, les brevète, les vend, mesure et vante leurs résultats.

On en est arrivé au point où, à l’occasion d’une remise en question explosive de l’innocuité des PGM, et alors que chacun convient qu’il faudrait vérifier ces résultats, les scientifiques n’envisagent pas de refaire les expériences mais seulement de les expertiser. C’est annoncé par Philippe Joudrier, un expert (proPGM forcément) qui indique que l’Agence nationale de sécurité sanitaire « ne va pas faire d’étude mais publier un avis sur l’étude de Seralini ». Nul doute que cet avis conclura, comme le veut l’usage, à la nullité de ces travaux impies.

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de recherches ?

Pourtant, dans le même temps, Philippe Joudrier regrette : « Il n’y a plus de recherche à l’INRA » sur les PGM. Et il assure que l’Association française pour les biotechnologies végétales (dont il est membre), entend « promouvoir la recherche sur les PGM ».

Alors c’est quoi la recherche ? Et pourquoi les institutions dédiées à cette mission n’ont jamais mené une étude équivalente à celle de l’équipe de Caen, c’est-à-dire sur le long terme ?

Une explication évidente est que la réduction dramatique des moyens accordés aux chercheurs ne favorise pas ce genre de travaux coûteux et peu valorisants. De plus, la stratégie compétitive qui règne sur la recherche oblige à décrocher des contrats pour lesquels l’institution souhaite fortement la participation d’industriels. Imagine-t-on la firme Monsanto financer un essai long d’alimentation de rats avec son maïs NK 603 ?

Mais il existe d’autres causes à cette paralysie universitaire qui empêche de réinterroger les certitudes acquises.

La révolution génétique d’il y a un demi siècle a ouvert la voie à la fabrication d’OGM. Mais elle a aussi conduit à une conception atomisée du vivant : les secrets de la vie, des spécificités individuelles, des pathologies et des traitements, tout serait décelable et modifiable dans la molécule d’ADN.

D’où la naissance d’un réductionnisme vite triomphant, qui vise au plus petit pour prétendre comprendre le plus grand.

La négation de la complexité du vivant

Par exemple, les généticiens moléculaires se sont persuadés que l’addition d’un gène par la transgenèse ne peut modifier l’être génétiquement modifié que dans la fonction qu’on accorde à ce gène, sans imaginer le déséquilibre induit dans d’autres fonctions cellulaires, dans l’organisme et dans ses relations au monde.

C’est cette négation de la complexité du vivant qui a conduit au concept de l’équivalence, qui veut qu’une plante génétiquement modifiée ne diffère de la plante d’origine que par les résultats de l’activité du gène ajouté. Il est donc inutile de rechercher d’autres effets. Ce concept, importé des États-Unis où il permet de justifier la banalisation des PGM (absence de contrôles et d’étiquetage des produits alimentaires), est aujourd’hui assimilé par les agences d’évaluation en Europe et par la plupart des chercheurs de ce secteur.

Alors, l’autorisation de cultiver une PGM ne s’embarrasse pas des études bien calibrées qu’exige une expertise toxicologique.

Le lobby des multinationales

Clairement, le lobby des multinationales s’agite pour désarmer la vigilance des instances d’évaluation et entretenir des liens privilégiés avec les experts. Toutefois, il serait trop simple d’imaginer que tous ces chercheurs sont payés pour défendre les intérêts de l’industrie des PGM.

La situation est plus grave parce qu’elle relève rarement du délit, mais presque toujours de l’idéologie.

Alors, il leur apparaît normal que les autorisations soient données à partir d’études courtes sur des lots de 5 à 10 rats d’une certaine race. Mais normal aussi que la contradiction, comme celle qui vient d’arriver, après une étude sur des lots équivalents des mêmes rats, soit irrecevable !

Puisque la controverse échappe à la science, ce n’est pas à partir de démonstrations scientifiques que viendra la sagesse. La solution est évidente depuis trop longtemps : qui a besoin des plantes génétiquement modifiées ?