Lettre ouverte de soutien à la proposition annoncée de la DG Environnement concernant la culture de maïs génétiquement modifié au sein de l’Union européenne

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lundi 5 mai 2008

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Si vous êtes chercheurs et si vous souhaitez soutenir cette lettre ouverte avec votre signature, contactez nous par mail à claudia.neubauer[@]sciencescitoyennes.org ou appelez nous au 01 43 14 73 65.

Monsieur le Commissaire Dimas,

La presse européenne rapporte que la DG Environnement de la Commission européenne propose que les demandes d’autorisation à la culture de deux maïs génétiquement modifiés, le Bt11 et le 1507, soient rejetées par l’Union européenne. La presse a également fait état de différents rapports critiques, lettres ouvertes et attaques de la part de groupes d’intérêts qui sont hostiles à cette proposition. Nous, scientifiques et experts en biologie et en écologie, dont plusieurs travaillons dans le domaine de la biosécurité appliquée aux organismes génétiquement modifiés, estimons important de vous assurer de notre soutien à votre approche basée sur le principe de précaution en ce qui concerne la culture de plantes transgéniques en Europe. Notre soutien est fondé sur les raisons scientifiques suivantes :

Il n’existe pas de consensus scientifique sur l’évaluation des risques des plantes génétiquement modifiées. Ceci inclue une absence de standardisation du type adéquat de données à fournir avant dissémination pour l’évaluation du risque des plantes transgéniques en général, ou de ces variétés de maïs Bt en particulier, ainsi qu’une absence de consensus sur la manière dont ces données devraient être obtenues. De plus, alors que le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques et la Directive européenne 2001/18/EC soulignent tous deux l’importance de l’environnement récepteur, il manque des données pour plusieurs régions biogéographiques en Europe, tandis que les données existantes sont issues d’analyses à court-terme, et n’incluent que quelques espèces dans d’autres tests. Ce point revêt une importance majeure, car une évaluation du risque scientifiquement rigoureuse constitue une part fondamentale des exigences de la législation européenne, et est un élément central de la controverse – dans les milieux scientifiques mais aussi plus largement – à propos des avis d’experts rendus par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA). Cette controverse est loin d’être résolue à ce jour.

La qualité des données des études disponibles est très variable. Différents protocoles ont été utilisés pour les recherches liées à la biosécurité. De manière non surprenante, ces différents protocoles aboutissent à des résultats différents, rendant ainsi la comparaison et l’interprétation difficiles. De plus, il n’existe pas de standard scientifique agréé concernant les protocoles de détection des toxines Bt et de leurs métabolites au sein des divers niches écologiques et réseaux trophiques, ni d’information sur la bioactivité des métabolites détectés. Ceci est très important pour l’évaluation des effets sur les organismes non ciblés ainsi que pour la détermination des niveaux d’expression/efficacité minimum des plantes Bt, pour le contrôle de qualité et le respect des stratégies de gestion de la résistance des insectes. De plus, le mode d’action des toxines Bt sur les organismes non-ciblés recensés et affectés de manière négative n’est pas correctement compris.

Il y a absence de consensus scientifique concernant les exigences de surveillance de ces plantes lorsqu’elles sont cultivées à grande échelle. C’est un domaine très important pour la Commission européenne dans son rôle de gestionnaire du risque. Les environnements qui reçoivent ces cultures ainsi que les pratiques agricoles sont très divers au sein des Etats membres, et ont des besoins de surveillance et de gestion différents.

Tout ceci entraîne des difficultés pour le fondement scientifique de la prise de décision réglementaire quant à l’autorisation de la culture de telles plantes au sein de l’UE. Certains d’entre nous ont travaillé avec la Commission européenne, en mettant à disposition notre expertise sur les plantes génétiquement modifiées lors du conflit sur les OGM à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Au cours de ce processus, nous avons travaillé avec des collègues afin d’identifier les zones cruciales d’incertitude scientifique et les moyens de combler les lacunes dans nos connaissances. Le Panel de l’OMC n’a rien trouvé à redire sur notre contribution, et n’a à aucun moment remis en question les données scientifiques sur lesquelles elle repose. Dans la soumission de la Commission européenne au nom des Communautés européennes, il est clairement indiqué que les connaissances scientifiques disponibles n’étaient pas adéquates pour mener une évaluation des risques des produits en attente d’une décision à ce moment-là.

Depuis lors, de nouvelles données scientifiques ont été mises à jour, incluant celles qui sont maintenant prises en compte par la DG Environnement. Celles-ci indiquent à nouveau que subsistent des incertitudes considérables ainsi que de sérieuses lacunes dans nos connaissances. En conséquence, une attitude basée sur le principe de précaution est justifiée et devrait effectivement être adoptée en vertu des dispositions du Traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur l’Union européenne, les Traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes (octobre 1997)1.

En tant qu’experts dans nos domaines, nous soutenons l’application du principe de précaution pour une suspension temporaire de la culture jusqu’à ce que l’on ait abouti à une évaluation du risque plus rigoureuse, et jusqu’à ce que les moyens nécessaires et les normes de contrôle de qualité soient développés et mis en place. Nous sommes convaincus du besoin de davantage de recherches indépendantes, intégrant les connaissances de différentes disciplines, questions de recherche et approches méthodologiques, y compris un élargissement de la discussion concernant les données scientifiques et le niveau de preuve exigés afin de déterminer l’innocuité des produits génétiquement modifiés pour la santé humaine et l’environnement au sein de l’Union européenne.

Nous restons à votre entière disposition si vous désirez plus d’informations sur ces différents points, ou pour un rendez-vous.

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Scientists letter to Dimas 2008

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Commissaire Dimas, l’expression de notre considération la plus haute.

(Avertissement : cette lettre est une traduction de la version originale en anglais. Seule la version anglaise fait foi.)

Liste des scientifiques de différents pays européens qui ont signé la lettre :

Par ordre alphabétique :

Dr. Michael Antoniou, Nuclear Biology Group, King’s College London School of Medicine, Department of Medical and Molecular Genetics, London, United Kingdom

Dr. Catherine Bourgain, INSERM – Université Paris SUD, Génétique épidémiologique et structure des populations humaines

Dr. Broder Breckling, Zentrum für Umweltforschung, University of Bremen, Germany

Prof. Manuela Giovannetti, Faculty of Agriculture, University of Pisa, Italy

Dr. Angelika Hilbeck, ETHZ, Institut für Integrative Biologie, Switzerland

Dr. Anita Idel, Project Management Animal Health & Agrobiodiversity, Berlin, Germany

Prof. Demetrios Kouretas, Department of Biochemistry, University of Thessaly, Greece

Dr. Andreas Lang, Environmental Geosciences, University of Basel, Switzerland

Dr. Gabor Lövei, University of Aarhus, Dept Integrated Pest Management, Flakkebjerg Research Centre, Slagelse, Denmark

Dr. Anne I. Myhr, GenOk-Center for Biosafety, School of Medicine, University of Tromsoe, Norway

Bernadette Oehen, Forschungsinstitut für Biologischen Landbau, Frick, Switzerland

Dr. Vincenzo Pavone, CSIC, Espagne

Dr. Arpad Pusztai, FRSE Biotechnology Section Graduate Division at the St Stephan University School of Ecology, Hungary, and Consultant, GenØk-Center for Biosafety, Norway

Dr. Hauke Reuter, Zentrum für Umweltforschung, University of Bremen, Germany

Prof. Gilles–Eric Séralini, Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire, University of Caen and CRIIGEN, Paris, France

Paul Tchen, généticien, retraité, INSERM, France

Dr. Jacques Testart, President, Fondation Sciences Citoyennes, Paris, France

Prof. Terje Traavik, GenOk-Center for Biosafety, School of Medicine, University of Tromsoe, Norway

Prof. Theo Wallimann, Institute of Cell Biology, ETH Zurich, Zurich, Switzerland

Christine von Weizsäcker, UC Santa Barbara, Bren School, and Germany/USA

Prof. Ernst Ulrich Weizsäcker, Member of the Board, Vereinigung Deutscher Wissenschaftler. Germany