Des sciences citoyennes ?

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vendredi 19 avril 2013

Miniature

Réponse à l’AFIS
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2081

En réponse à la mise en œuvre d’une mission « sciences citoyennes » au CNRS, conduite par Marc Lipinski, l’AFIS s’est fendue d’un communiqué rageur : « l’idéologie » entrerait dans le CNRS, les associations seraient sommées de rester hors de « la science », le risque étant de réactiver la « science prolétarienne ».

La question qui vient à l’esprit est immédiatement celle-ci : pourquoi tant de hargne contre les associations, alors que d’autres acteurs de la société civile, les entreprises, ne sont pas prises à partie ? Le CNRS est engagé dans un nombre incalculable de partenariats avec ces acteurs qui ne représentent pourtant qu’eux-mêmes, pour reprendre le vocabulaire de l’AFIS. Tout se passe comme si les intérêts de l’industrie étaient « objectifs » et vierges de toute « idéologie ».

C’est pourtant confondre science et intérêt. Si les entreprises viennent voir le CNRS, ce n’est pas pour en apprendre plus sur la structure profonde du monde, comme si elles allaient à l’université. Elles y vont pour acquérir les connaissances qui vont servir leurs intérêts, par exemple faciliter la mise au point de produits qu’elles pourront ensuite commercialiser. Elles y vont avec leur « idéologie », qui est celle du marché.

Marc Lipinski, au Conseil Régional Ile-de-France, n’a voulu que réparer ce déséquilibre. Pourquoi les entreprises ont-elles si massivement accès à l’appui de la recherche, alors que les associations sont condamnées à mener leurs recherches de leur côté, souvent avec des moyens très limités ? Pourquoi les questions que se posent les entreprises sont-elles jugées d’emblée intéressantes, alors que celles que se posent les associations seraient forcément sans intérêt ? Est-ce parce qu’elles posent des questions qui dérangent, qui remettent en cause les solutions proposées par l’industrie ?

En ne se posant pas la question, l’AFIS fait une nouvelle fois preuve de sa sélectivité, et donc de son manque de curiosité scientifique, concernant les domaines de recherche. Sa dénonciation de l’étude menée par Gilles-Eric Séralini va dans le même sens. On peut trouver tous les défauts du monde à la démarche proposée par ce scientifique, il n’en reste pas moins qu’il est le seul à avoir travaillé sur une question qui intéresse tout le monde. La bonne question à se poser serait plutôt : pourquoi le CNRS n’a-t-il pas mené, et depuis longtemps, l’étude conduite par le biologiste de Caen ?

L’AFIS n’hésite pas à prendre positions sur des questions sociétales, dévoilant que sa lecture des faits est étroitement corrélée à ses choix politiques. Ainsi peut-on lire sur son site en janvier 2008 que « il n’y a pas d’urgence particulière à prendre dès aujourd’hui des décisions climatiques » (http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article841), pointant du doigt un usage qui serait irrationnel de l’alarmisme et du principe de précaution, alors qu’aujourd’hui le World Economic Forum lui-même, peu connu pour être gangrené « d’écolos », pointe le réchauffement climatique comme un facteur d’aggravation de toutes les crises… Il semble que la rationalité selon l’AFIS soit donc assez proche de l’irrationalité. C’est à l’endroit des connaissances qui dérangent ses parti-pris que l’AFIS applique le principe de précaution.
Une attitude que l’association qualifierait probablement « d’obscurantiste ».

Sur cette affaire de changement climatique, c’est aux associations qu’il revient d’avoir poussé les connaissances dont le WEC reconnaît aujourd’hui toute l’importance. Et à l’AFIS d’avoir joué le jeu de la « croyance » et de l’aveuglement. On peut difficilement convaincre quand on manque à ce point à ses propres préceptes !