Les « faucheurs d’OGM » traités par la justice comme une bande de casseurs, onze nouvelles autorisations de test en plein champ délivrées à des maïs transgéniques : c’est bien le récent rapport parlementaire – « les OGM : une technologie à maîtriser » -, qui donne le ton de la politique française. Fruit d’une mission présidée par le socialiste Jean-Yves Le Déaut, fervent défenseur des biotechnologies, on comprend mal sa sérénité et sa partialité à la lecture des auditions menées, très contradictoires et fidèlement rapportées en annexe. Les promesses usées des proPGM (plantes génétiquement modifiées) sont honorées comme des acquis, et seuls les travaux favorables sont évoqués, en omettant les points d’ombre ou les constats douloureux.
Ce rapport confirme la volonté des décideurs de passer en force, en caracolant notamment sur un double cheval de Troie : les « plantes-médicaments », qui bénéficieront de procédures accélérées d’autorisation, et les animaux transgéniques « produisant des substances nécessaires à la santé humaine ». Hypocrisie rituelle : on interdira ceux dont la finalité est « commerciale », comme si les biotechnologies avaient une autre finalité ! Et pour soutenir la commercialisation de 80 % des PGM, le rapport refuse tout étiquetage des produits (viande, lait, oeufs,…) issus d’animaux nourris avec ces végétaux.
Pour calmer l’opposition (on vote bientôt), le rapport propose une pause dans les essais de PGM. Pourquoi, s’« ils ne sont certainement pas dangereux » ? Suggestion sans effet, on vient de le voir. Autres mesures apaisantes sans effet réel : les maires des communes concernées auront droit à un « entretien d’information » ; au sein du nouveau Conseil des biotechnologies, les membres devront déclarer leurs intérêts industriels (mais continueront de conseiller), la « section civile » pourra évaluer les bénéfices des PGM mais c’est la « section scientifique » qui évaluera les risques, sans contre-expertise…
Pour faire passer la coexistence, le rapport annonce la fin de l’agriculture biologique puisqu’elle devra accepter l’inévitable pollution génétique ! Et puisque les assureurs, dans leur grande sagesse, ne veulent pas couvrir le risque PGM, c’est le contribuable qui payera les dégâts d’une technologie qu’il refuse, selon le nouveau principe du « pollué-payeur » !
Sous-titre du rapport : « 60 propositions pour une approche progressive au cas par cas ». L’efficacité est éprouvée, par exemple pour assurer les dérives de la bioéthique : le « cas par cas » est toujours « progressif », parfois jusqu’au constat qu’on a perdu le sens de l’action dans la casuistique, irréversiblement. Et depuis quand « une technologie à maîtriser » devrait-elle être diffusée en l’état, en élargissant le laboratoire à tout l’espace social et naturel ? Fortement marqué par le lobby des biotechnologies, ce rapport est un véritable attentat contre la démocratie.
Jacques Testart est biologiste à l’Inserm