Futurs chercheurs ? Futurs entrepreneurs !

Par , et
lundi 7 juillet 2014

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Que les futurs chercheuses et chercheurs soient rassurés! Les institutions gouvernementales et académiques ont trouvé de quoi améliorer leur insertion professionnelle : la valorisation. Ce terme, avant de devenir un nouvel avatar de la novlangue technocratique, désignait le fait, assez commun, de faire connaitre sa thèse, principalement au sein du monde académique (en communiquant sur ses travaux et en tâchant de les faire publier). Désormais fi du monde académique, la valorisation s’oriente davantage vers le secteur privé. Et la conséquence de cette nouvelle affirmation du mariage de l’université et de l’industrie pourrait se traduire par une phrase simple qui devrait être bientôt intériorisée par tous les thésards: « rendez vos travaux sexy, afin qu’ils intéressent le monde extra-académique ! ».

C’est ainsi que les doctorants sont invités à participer au grand concours de la « thèse en 180 secondes »1. On ne s’embarrasse plus des minutes et des grands discours, plus c’est court, mieux c’est ! Un peu frustrant tout de même, pour un jeune chercheur qui vient d’accomplir plusieurs années de labeur, non ?

Autre exemple de l’affirmation de ce mariage: la formation des Doctoriales® (marque déposée, s’il vous plaît !). Proposée – ou imposée selon les universités – à tous les doctorants afin de leur apprendre à « vendre » leur thèse. A peine entré dans le monde académique qu’on nous en montre déjà la sortie en vous disant : « Pensez extra ! Devenez entrepreneur ».

Et pour asseoir le changement sémantique de la « valorisation », pas question d’une quelconque pénurie de fonds publics : l’État a mis la main au portefeuille avec une contribution à hauteur de 7,054 millions d’euros, complétée par 8,5 millions d’euros de la Région Midi-Pyrénées ; le tout pour mettre en place la Maison de la Recherche et de la Valorisation2. Celle-ci, adossée à l’Université de Toulouse, a été inaugurée le 4 novembre dernier pour préparer la carrière professionnelle académique et extra-académique des docteur-e-s. Sa mission peut se résumer au titre de sa newsletter datée du mois de mai 2014 : « Recherche d’emploi dans le secteur extra-académique, de nouvelles habitudes à prendre ! ».

Quant au doctorant ou à la doctorante qui s’inquiète de ces pratiques, parce que son thème de recherche ne rentre pas dans les cases des grandes orientations, parce qu’il a le sentiment que l’avancée des connaissances cède la place au profit, parce que certains secteurs de recherche sont devenus orphelins car recalés à l’examen de « sexytude », parce qu’avec ces pratiques l’orientation de la recherche est toujours moins démocratique et la publication toujours plus soumise à l’impératif de rentabilité ; eh bien, qu’il se fasse une raison : la recherche de demain sera commercialisable ou ne sera pas.