Une lettre ouverte a été signée par une centaine de Prix Nobel accusant l’ONG d’être responsable « de crime contre l’humanité » à travers sa campagne menée contre le riz doré. Que l’on soit une organisation non gouvernementale (ONG), une association ou un simple citoyen, il parait de plus en plus difficile d’exprimer une opinion sur un sujet de controverse sans risquer une plainte, un procès ou voir sa réputation mise en cause sous le motif de porter atteinte au bien commun. C’est l’expérience vécue ces derniers jours par Greenpeace.
Le riz doré est un riz génétiquement modifié afin de produire de la vitamine A. L’objectif de son introduction dans l’alimentation de certains pays est de palier une carence sévère en vitamine A qui touche une partie de la population, carence qui provoque, entre autres, des cécités et dans les cas les plus graves le décès.
Au-delà de la polémique sur les bienfaits ou non du riz doré, on peut se poser la question de l’instrumentalisation de la cause humanitaire au profit de la défense de certains intérêts industriels et la volonté de promouvoir ainsi des biotechnologies mal acceptées ou rejetées par une partie des citoyens comme c’est le cas pour les organismes génétiquement modifiés (OGM) en France.
Il existe depuis quelque temps une volonté de répondre systématiquement par des solutions technologiques aux problèmes concrets et dramatiques qui touchent des populations comme la malnutrition mais également des problèmes de santé comme cela est le cas avec la proposition de transformer génétiquement des moustiques pour éradiquer le paludisme.
Au-delà de cette attaque vis-à-vis de Greenpeace au travers cette lettre ouverte, on peut également s’interroger sur la légitimité de ces signataires sur des sujets pointus comme les modifications génétiques. En effet en quoi le fait d’être un Prix Nobel est-il davantage porteur d’une quelconque expertise ou autorité sur de tels sujets dès lors que ces mêmes Prix Nobel n’ont pas travaillé ou reçu une information contradictoire sur lesdits sujets ? Cet argument d’autorité n’est pas sans rappeler l’appel d’Heidelberg, appel regroupant de nombreux scientifiques et ayant été orchestré par les lobbies industriels du tabac et de l’amiante.
Pour éviter de tels débordements médiatiques et proposer un avis loin des lobbies, des procédures de participation citoyenne peuvent être mise en place comme la Convention de Citoyens qui combine une formation préalable et contradictoire (où les citoyens étudient), une intervention active (où les citoyens interrogent) et un positionnement collectif (où les citoyens rendent un avis, souhaité contraignant vis à vis des pouvoirs publics).
Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur la campagne menée par Greenpeace contre le riz doré et cette lettre ouverte signée par une centaine de Prix Nobel, le lancement d’une telle polémique ne profite nullement aux populations directement concernées qui auraient au final davantage besoin de mesures concrètes relevant du bon sens comme une meilleure répartition des ressources, et des pratiques de biodiversité agricoles que de tels échanges.
Pour aller plus loin :
Réaction de Greenpeace : voir l’article Riz doré : tout ce qui brille n’est pas or
Lettre ouverte signée par les Prix Nobel à Greenpeace : Laureates Letter Supporting Precision Agriculture (GMOs)
Convention de Citoyens : Brochure_CdC_Sciences_Citoyennes_mai 2016
et dossier complet sur le sujet
Manifeste pour une Recherche Scientifique Responsable : voir l’article Manifeste pour une Recherche Scientifique Responsable