Autocritique de sciences

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mardi 3 janvier 2012

Miniature

Le 18 décembre 2011, j’avais rédigé ce billet pour Le vélo déchaîné :

« Il se passe quelque chose d’inédit grâce aux physiciens du CERN. Ces spécialistes de haute volée, agissant dans une discipline des plus complexes pour le grand public, cherchent à faire partager par tous les amateurs de science leurs doutes et leurs embûches. Ils convoquent des conférences de presse pour mettre à jour le suspense dans leur recherche du boson de Higgs,
la « particule de Dieu » dont l’observation est nécessaire pour valider le modèle Einsteinien de la physique des particules. Ils communiquent largement en sollicitant une hypothèse qui expliquerait leur constat réputé impossible: les neutrinos seraient plus rapides que la lumière…Et des citoyens se prennent au jeu, en discutent autour de la machine à café ou envoient leurs propres explications ! Science vivante, alambiquée mais humble et populaire, aussi loin des Téléthons menteurs que des raideurs académiques! Merci les physiciens pour cette belle leçon: une autre science est possible…mais elle ne pourrait survenir qu’aux dépens de la technoscience mercantile qui a pris presque toute la place dans les autres disciplines… »

En réaction à ce soutien bien enthousiaste à sa discipline (marre qu’on me reproche mon « pessimisme » !…), notre ami physicien Jean-Marc Lévy-Leblond me fit connaître sa désapprobation, en particulier :

« Je ne crois vraiment pas que la physique des particules soit ‘humble et populaire’ :
— le grand accélérateur  LHC du Cern est l’un des projets scientifiques les plus coûteux jamais entrepris, son coût de construction avoisine les 8 milliards d’euros
— malgré sa finalité essentiellement fondamentale, il n’échappe guère au mercantilisme, car il offre de juteux marchés à nombre de boîtes de haute technologie et ses promoteurs justifient d’ailleurs en partie son existence par son rôle de banc d’essai de technologies nouvelles.
— il opère selon des procédures véritablement industrielles : les publications qui en sortent sont signées de plusieurs centaines de chercheurs.
— sa consommation électrique est égale à celle de tout le canton de Genève, c’est pourquoi il s’arrête en hiver, le prix du kWh étant rédhibitoire
— et ce n’est pas par hasard que des résultats spectaculaires (mais hypothétiques) sont annoncés précisément à ce moment, histoire de maintenir la pression sur les financeurs publics pour la prochaine saison…
— le caractère « alambiqué » de la discipline exclut toute possibilité que les «  de citoyens autour de la machine à café » apportent quelque lumière que ce soit aux physiciens. »

Moralité : On n’est jamais assez critique de sciences, surtout de celle des autres !