Les NST – NanoSciences et NanoTechnologies – prétendent imposer une (r)évolution scientifique et technologique. C’est un des secteurs d’activité annonçant des perspectives d’innovation les plus fortes, exigeant pour cela un soutien massif des secteurs public et privé. Pourtant, on connaît encore mal son contexte d’émergence, les réseaux d’acteurs impliqués et leur forme d’engagement ainsi que les paramètres scientifiques qui la conditionnent.Les promoteurs des NST mettent en oeuvre de nouvelles stratégies de développement, et des reconfigurations organisationnelles de l’action scientifique et industrielle qui mettent en jeu l’ensemble des stratégies, actions et interactions de ces acteurs.
A cela se rajoutent des visions sur les possibilités ouvertes par les NST qui toucheraient et bouleverseraient tous les secteurs industriels et tous les aspects de la vie en société. Au même moment, les artisans de ces visions mettent en avant une « évolution naturelle » des technologies comme si celles-ci ne dépendaient pas des choix politiques et budgétaires. A leurs yeux les NST représenteraient un nouvel El Dorado technologique.
Le cadre proposé par les nanopromoteurs est si large qu’il peut rapidement confiner au mirage, s’appuyant sur des visions caricaturales. Cela ne serait pas tant inquiétant si les NST ne confisquaient pas de si considérables budgets émanant d’états (pourtant) démocratiques, agissant en matière technoscientifique de façon de plus en plus autoritaire, subordonnant toutes leurs stratégies à la « course économique » en l’absence de réflexion globale – et de recherche – sur l’impact des NST sur la vie privée, la santé, l’environnement, la propriété intellectuelle, et last but not least sur le développement démocratique de nos sociétés.
En France, les institutions publiques n’ont commencé que depuis peu à apporter un regard élaboré sur un sujet éminemment conflictuel. (1) Leur discours est souvent assez partisan et peu critique. Nous le déplorons tout autant que la non mise en œuvre de véritables débats publics de qualité et respectueux des principes démocratiques les plus élémentaires.
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’ambition de cette note.
Elle s’inscrit aussi dans la droite ligne des documents de la Fondation Sciences Citoyennes (FSC) qui veut qu’un débat tronqué ne fortifie pas notre démocratie mais l’affaiblisse, qu’aucun argument d’autorité n’est légitime. La mise à plat des arguments et dimensions complexes du sujet aidera la collectivité à choisir elle-même, plutôt que de dépendre d’un cénacle d’experts ou de hiérarques plus ou moins compétents et intéressés.
C’est pourquoi la FSC aspire à des nouvelles formes de vigilance citoyenne et civique vis-à-vis des technosciences.
(1) Les positions et analyses notamment des Académies des sciences et des technologies, du CEA, des collectivités territoriales à Grenoble diffèrent ici pas mal des positions et réflexions proposées dans le rapport de JP. Dupuy et F. Roure sur « Les nanotechnologies : éthique et prospective industrielle » (2004, à la demande du Ministère des Finances) et du rapport tout récent du Comité de la prévention et de la précaution (CPP) de mai 2006. Le premier ministre a annoncé le 31 mai 2006, autour de l’inauguration de Minatec à Grenoble, le lancement d’un grand débat « nano » (mais vu la « machinerie nano » qui s’est déjà mise en place en France et vue la qualité de nos « grands débat nationaux » jusque-là, nous pouvons être inquiets quant au sort de ce débat). Sont attendus les rapports de l’AFSSET et de l’AFSSAPS ainsi qu’un rapport sur éthique et nano par le Comité éthique du CNRS (COMETS) et le Conseil Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie (CCNE).
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