Scientist Rebellion et son pendant français Scientifiques en rébellion ont organisé au cours du mois d’octobre une campagne européenne d’actions de désobéissance civile non-violente visant à alerter l’opinion publique sur l’ampleur de la crise climatique à venir. Par cette campagne, ces collectifs appellent les scientifiques à sortir du discours lénifiant de trajectoires d’évolution de la température contenues à 1.5°C et dénoncent l’inaction politique des gouvernements européens. En Allemagne, ces actions, accompagnées de demandes auprès de l’État allemand de prendre des mesures visant à décarboner le transport, annuler la dette des pays du Sud, et reconnaître l’échec de sa politique climatique, ont symboliquement visé les ministères des Transports, des Finances, les locaux des banques et constructeurs automobiles… La dernière de ces actions qui consistait à occuper de façon non-violente un Show-room d’automobiles de luxe à Munich a conduit à la mise en détention par les autorités allemandes de 16 scientifiques de toutes nationalité, dont 4 Français.
Sciences citoyennes questionne depuis longtemps la place des scientifiques dans l’espace public et des rapports complexes entre discours scientifiques et décisions publiques. Les scientifiques sont sous l’emprise d’une précarisation croissante et d’un management ubuesque qui vise à instrumentaliser les savoirs et l’autorité scientifique au service d’un projet de société injuste et suicidaire. Les pouvoirs publics se revendiquent de la « raison » et de la « science » lorsque les savoirs scientifiques sont alignés avec l’idéologie libérale dominante et servent les projets de développement économique et industriel. Mais ils ont tôt fait de s’en détourner lorsque ces savoirs révèlent la faillite de ces projets et vont à l’encontre de la commande politique.
Nous assistons aujourd’hui à un tournant dans les rapports entre le pouvoir politique et les scientifiques. Le pacte de plusieurs siècles qui liait le projet scientifique et les états occidentaux est désormais rompu. La capture par les puissances publiques et privées de l’institution scientifique se retourne désormais contre les scientifiques eux-mêmes qui sont réduits au silence, dénigrés et maintenant placés en détention lorsque leurs discours et leurs actions ne conviennent plus aux intérêts politiques.
Dans ce contexte d’une gravité inédite, Sciences citoyennes condamne la mise en détention de scientifiques qui ne faisaient que ce que la société attend d’eux : mettre leurs connaissances au service de l’intérêt général et nous alerter face aux dangers écologiques, climatiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés.
Sciences citoyennes réclame que l’État français fasse le nécessaire pour garantir la protection des scientifiques dans le cadre de leur activité professionnelle, notamment comme lanceurs d’alerte. Sciences citoyennes appelle les parlementaires à se saisir de cette mission de protection des scientifiques et à étendre les lois de protection actuelle aux scientifiques.
Face à la gravité des crises que nous entrevoyons, Sciences citoyennes appelle l’État et les différentes parties prenantes de la société civile à mobiliser les scientifiques et la multiplicité des savoirs humains et à les mettre au service de la redirection écologique et sociale.
Contact : Jérôme Santolini, jerome.santolini[at]sciencescitoyennes.org