Le programme « Alliances de Recherche université – communauté », ARUC (Le terme anglo-saxon « Communauté » recoupe à la fois le monde associatif et les collectivités locales) est un appel à projets né au Canada. Il constitue un exemple de politique publique de recherche qui permet de contrebalancer les politiques actuelles trop exclusivement orientées vers l’encouragement de partenariats recherche publique – firmes privées.Le programme ARUC a été lancé en 1999 au Canada par le Conseil de Recherche en Sciences sociales et humaines (CRSH). Ce Conseil est l’agence fédérale qui finance la recherche dans les sciences humaines. Il est dirigé par un Conseil de 22 membres.
La décision du CRSH de lancer ces ARUC fut très favorablement accueillie tant par les groupes communautaires que par les universités. Depuis, trois appels à projets ont été organisés par le CRSH et plusieurs dizaines de projets ont été soutenu. Le CRSH a environ un budget de 4 millions de dollars par an pour les ARUC.
Objectifs
Le programme a pour objectif d’appuyer la création d’alliances entre les universités et les organisations de la société civile qui, par un processus axé sur la collaboration continue et l’apprentissage mutuel favorisent la recherche novatrice, la formation et la création de nouvelles connaissances dans des domaines importants pour le développement social, culturel ou économique des communautés canadiennes.
Les objectifs spécifiques visent à :
favoriser l’échange de connaissances, de ressources et de compétences entre les universités et les organisations de la société civile
enrichir la recherche, les méthodes d’enseignement et les programmes des universités ;
accroître les capacités des organisations de la société civile à produire des connaissances et des expertises, à intervenir dans l’espace public, à exercer une vigilance sur les politiques de recherche afin de mieux pouvoir faire valoir leurs besoins non marchands,
renforcer la capacité des collectivités locales de prendre des décisions et de résoudre des problèmes,
améliorer la formation et l’employabilité des étudiants en leur donnant diverses possibilités d’acquérir des connaissances, des compétences et des qualités professionnelles grâce à des travaux de recherche en situation d’usage.
Fonctionnement
Une alliance de recherche université communauté suppose un partenariat égal entre partenaire universitaires et partenaire de la société civile (collectivité locale ou association, sans but lucratif). Toutes les universités canadiennes sont admissibles au programme sous condition que le projet ARUC est étroitement liées à une unité d’enseignement (un département, une faculté ou un institut). Selon la structure de gouvernance du projet ARUC, un chercheur universitaire ou un représentant du milieu associatif dirige, ou codirige, l’ARUC. Le(s) directeur(s) assurent le leadership et contribuent à l’orientation intellectuelle pour l’élaboration du programme d’activités. Ils sont appuyés par des chercheurs et des étudiants, par les organisations partenaires et par du personnel professionnel au besoin.
Chaque activité d’une ARUC comprend :
un volet de recherche (p. ex. des projets à court terme et à long terme, de la recherche-action, etc.),
un volet d’éducation et de formation (p. ex. dans le contexte des projets de recherche, des stages, des activités créditées dans le cadre des cours, etc.),
un volet sur la mobilisation des connaissances (p. ex. des ateliers, des séminaires, des colloques, des publications, des conférences publiques, etc.).
Un comité multidisciplinaire, composé d’experts universitaires et non universitaires, évalue les projets en fonction des critères suivants :
l’importance démontrée du sujet pour le développement social, culturel ou économique des communautés (pertinence) ;
les incidences sur la formation des étudiants, le développement des capacités et l’élaboration de programmes ;
la solidité de la démarche de recherche (méthodologie) ;
la qualité, notamment la preuve de la collaboration et de l’engagement de tous les partenaires ;
la qualité des plans de diffusion des résultats et de la mobilisation des connaissances.
Les candidats retenus à la première étape (après une lettre d’intention) ont droit à une subvention de développement d’une valeur maximale de 20 000 $ afin de préciser leur projet (frais de déplacements, ateliers, réunions, secrétariat, communication et diffusion). Chaque ARUC peut recevoir jusqu’à 200 000 $ par an pendant un maximum de cinq ans.
Avantages
La force des ARUC consiste en la promotion du développement des infrastructures de recherche dans des associations de la société civile, le soutien financier pour ces organisations afin de pouvoir mener des recherches utiles pour la communauté. Les ARUC aide à installer des coopérations à long terme entre les chercheurs et les associations.
Les chercheurs impliqués se disent très satisfaits du travail effectué dans le cadre d’une telle alliance que ce soit au niveau scientifique, au niveau des résultats et leur utilisation (souvent quasi immédiate) ou encore au plan des relations humaines.
Un autre point fort est l’implication d’étudiants et de jeunes chercheurs dans ces partenariats judicieux avec la recherche citoyenne. Les étudiants prennent goût à un travail scientifique répondant plus directement (car souvent local ou régional) à des demandes sociaux.
Difficultés
Le contexte institutionnel de la recherche limite actuellement des tels partenariats, entre autre puisque le processus d’évaluation des chercheurs et étudiants est centré sur un système traditionnel de publications académiques (de plus en plus compétitives).
Les organismes de recherche et les universités citent souvent leur engagement pour les besoins sociétaux mais se dotent rarement des stimuli, des moyens financiers et des structures organisationnelles pour opérer dans ce sens. En général, des moyens financiers sur le long terme sont nécessaires pour institutionnaliser de tels partenariats.
Le CRSH travaille actuellement à surmonter ces difficultés.
Exemples
Parmi de nombreux projet, on peut mentionner :
Les communautés côtières et la pêche durable : Accroître la capacité de recherche et de gestion des écosystèmes des exploitants pêcheurs.
Partenaires : chercheurs et étudiants du département de sociologie et anthropologie de l’Université St. Francis Xavier (Nouvelle Ecosse), trois associations des pêcheurs autochtones (Mi’kmaq) et non autochtones (Gulf Nova Scotia Bonafide Fishermen’s Association, Guysborough County Inshore Fishermen’s Association, Paq’tnkek Fish and Wildlife Society) et la filière « Interdisciplinary studies in Aquatic Resources » (ISAR) de l’université (sur trois ans, 600 000 $). Social research for sustainable fisheries
Les infrastructures urbaines et rurales, municipales et régionales, le changement climatique et les communautés épistémiques dans l’Est ontarien : Evaluation des capacités des municipalités urbaines et rurales de s’adapter au changement climatique et à ses répercussions sur les réserves d’eau d’une région. Partenaires : Université d’Ottawa, la Fédération canadienne des municipalités, l’Institut des sciences environnementales du fleuve Saint-Laurent (trois ans, 600 000 $). (http://www.c-ciarn-ontario.ca/ )
Promouvoir la viabilité des communautés : Pour passer de la recherche à l’action : Accroître la collaboration entre les universités, les gouvernements et les groupes sans but lucratif afin de promouvoir des initiatives menant à des sociétés plus viables.
Partenaires : University of Toronto, Centre for Applied Sustainability, Institut canadien du droit et de la politique de l’environnement, Toronto Environmental Alliance et d’autres organismes non gouvernementaux (sur trois ans, 600 000 $)
Un exemple à suivre en France !
En France, les Conseils régionaux seraient le cadre idéal pour la mise en place de tels programmes encourageant de telles « alliances ». On pourrait aussi imaginer que dans les organismes de recherche, les universités ou les Fondations de recherche en gestation, un certain pourcentage des budgets de recherche soit consacré à des appels à projets pour des recherches en collaboration avec le monde associatif, les forces citoyennes, les collectivités locales afin de permettre à celles-ci d’accroître leur capacité d’analyse et d’expertise.
C’est là un mécanisme qui permet qu’au-delà de la seule polarisation de la recherche par les besoins solvables des firmes, la recherche publique puisse être également sollicitée et polarisée par les besoins non marchands de la société civile. Un tel outil de politique scientifique est donc susceptible d’enrichir et diversifier la recherche (et donner une réponse pertinente, parmi d’autres, à la crise des filières scientifiques en France), mais aussi de renforcer la vie citoyenne et la démocratie.