L’association Sciences Citoyennes exprime sa solidarité et son soutien aux personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, aux organisations syndicales et aux collectifs, actuellement mobilisés contre la Loi de Programmation Pluriannuelle de le Recherche.

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mercredi 29 janvier 2020

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Depuis plus de 20 ans, nous observons une entreprise obstinée de refonte des mondes professionnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Répondant au mot d’ordre « d’Economie de la Connaissance », une nouvelle façon de concevoir la place des savoirs dans nos sociétés a inspiré une succession de réformes systémiques ayant pour cadre commun la transformation des pratiques et des valeurs de nos métiers.

La Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) n’est que le dernier épisode de cette opération politique de reconfiguration des paysages scientifiques et les récentes déclarations au sujet de cette loi de responsables du gouvernement, présidents d’université ou PDGs d’organismes de recherche illustrent la volonté du gouvernement d’imposer un agenda politique néolibéral aux scientifiques, sans l’accord des personnels et contre eux si nécessaire.

Cette loi ne cherche pas à améliorer les conditions de travail ou l’environnement professionnel des personnels de l’ESR mais à mettre en place un système caricatural de management ayant pour objectif un contrôle social de plus en plus autoritaire et inégalitaire de la communauté scientifique, et à réduire les personnels de l’ESR (enseignant.e.s, chercheur.euse.s, technicien.ne.s, administratif.ive.s…) à de simples opérateurs d’une système contreproductif, de plus en plus détaché des savoirs, de la société et du monde.

Cette vision hors-sol du monde de la recherche est aux antipodes de l’histoire de notre communauté, des valeurs qui fondent notre activité et des conditions nécessaires à la production de savoirs. La LPPR n’aura pour conséquence que de continuer à supprimer les espaces d’autonomie de la communauté scientifique, d’en assécher la créativité, de rendre nos métiers de plus en plus aliénants et ubuesques, et de précariser davantage celles et ceux (étudiant.e.s, précaires, vacataires, salarié.e.s…) qui souhaitent contribuer à la production de savoirs.

Cette loi trahit une vision singulière de la connaissance et des sciences et de son rôle au sein de la société, vision que Sciences Citoyennes combat activement depuis plusieurs années.

Les sciences dans l’économie de la connaissance ne sont plus au service de l’intérêt général, les savoirs ne sont plus un outil permettant d’éclairer les choix individuels et collectifs de chacun d’entre nous, d’autant plus nécessaire et urgent aujourd’hui dans les temps de crises sociales et planétaires auxquelles nos sociétés sont confrontées. Ils ne sont plus que des marchandises répondant aux normes de production et de valorisation des secteurs économiques et industriels.

Ces connaissances sont de fait capturées par des intérêts particuliers, ici le monde industriel et économique qui est le principal commanditaire, partenaire et bénéficiaire d’une politique de la Recherche qui vise à lui fournir à bas prix des savoirs et techniques destinés à une marchandisation. Cette politique de la recherche favorise une bulle « technoscientifique » où les régimes de la promesse et de la peur pèsent lourdement (et souvent pour le pire) sur les choix de société. Les savoirs ne sont plus ainsi construits au sein de la communauté, mais soumis aux priorités du monde économique et à un pilotage politique de plus en plus vertical et étroit de la recherche.

Cette orientation des politiques de recherche nie brutalement les principes de collégialité et de désintéressement qui fondent l’éthique des chercheu.r.euse.s. Elle ne peut donc se déplier qu’en brisant les habitudes démocratiques d’une communauté scientifique toujours fortement attachée à ces valeurs. Le tournant néomanagérial accompagne la transformation des personnels de la recherche en microentrepreneurs et les savoirs en produits d’une économie libérale dont les fondements et perspectives nous sont désormais bien connues. Il s’opère par un détournement, un travestissement des valeurs de la Science qu’il convient de défendre aujourd’hui plus que jamais.

Nous appelons donc le gouvernement à renoncer à cette politique anti-scientifique qui dénature le monde de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et qui signera assurément, en quelques années, la destruction d’une Institution que nous avons mis ensemble plusieurs siècles à construire.

Parce qu’une autre politique de recherche est non seulement impérative mais urgente au vu des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés, nous invitons les comités de mobilisation, syndicats, associations à venir participer au débat que Sciences Citoyennes organise à l’Assemblée Nationale le 13 février matin pour réfléchir et dessiner ensemble cette autre vision de la Recherche.

Pour cela, il est impératif de s’inscrire avant le 5 février ici : https://www.helloasso.com/associations/association-sciences-citoyennes/evenements/pour-une-recherche-avec-et-pour-les-citoyens