Conférence d’Isabelle Stengers : « Répondre à la question de la responsabilité – Un défi politique crucial »

Par et
samedi 22 août 2015

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Isabelle STENGERSConférence donnée à Pont Lagrand (05) le 22 août 2015 à l’occasion de l’Université Buissonnière des Sciences Citoyennes.

Isabelle STENGERS est philosophe et administratrice de Sciences Citoyennes.

Bien que le terme soit apparu il y a 30 ans, Isabelle Stengers définit la «technoscience » comme système émergeant à partir du 19ème siècle, avec le développement de la chimie allemande. La technoscience a émergé avec la symbiose systématique entre chercheurs et industrie qui a rapidement éliminé un ensemble d’anciens savoirs et pratiques. Les chercheurs ne sont alors plus formés dans la lenteur permettant de comprendre les pratiques artisanales. Enfermée dans son rapport de soumission et de connivence au progrès productiviste, la science ne s’adresse aujourd’hui qu’à une sélection d’interlocuteur : l’Etat et l’industrie.
De ce point de vue, on peut parler d’une irresponsabilité, d’une habitude de ne pas répondre aux questions des citoyens et de se définir contre l’opinion. Nous sommes en situation d’asservissement direct de la recherche. La position dominante chez les chercheurs plaide pour un retour à une forme fantasmée d’autonomie qui implique alors un compromis, celui de ne pas s’intéresser à ce qu’on fait de leurs résultats.

Isabelle Stengers y voit une forme de « connivence irresponsable ». Nous avons besoin d’un autre type de science, avec un changement institutionnel, donc politique, qui passerait par un changement de conception du métier de chercheur scientifique, comme le propose le concept de « slow science » récemment développé. Selon Isabelle Stengers, « la société devrait donner aux chercheurs le temps dont ils ont besoin », les thèmes de la responsabilité et de la lenteur font partie de sa conception du possible. Pour être responsable il faut être capable d’imaginer les conséquences, être capable de répondre à d’autres positions possibles et voir si sa propre position peut se justifier. C’est pourquoi il faut parler de responsabilité au niveau de l’individu, non pas au niveau de l’institution.

Ralentir c’est s’attaquer à l’institution scientifique qui sépare les scientifiques des problèmes de leur époque. Changer l’institution permettrait la création de scientifiques capables de participer à d’autres types d’intelligences collectives. Ce ralentissement des sciences permettrait alors de répondre aux besoins qu’à la connaissance de se déployer de multiples manières, avec d’autres manières de valoriser, d’être évaluée. C’est une lutte politique sur ce thème que nous avons à mener et non une revendication morale. La responsabilité est une construction socio- politique, à l’instar de ce que sont les droits. Il y a une responsabilité des chercheurs pour la confusion entre fait conventionnel en laboratoire et fait hors laboratoire, car l’expertise est pleine de conventions, elle ne garantit rien.

La Convention de Citoyens reste un point de repère, une excellente solution pour poser la question de la responsabilité et la politique, telle qu’elle fonctionne actuellement dans ses rapports de soumission au marché, ne peut pas l’accepter.

Enregistrement et montage réalisés par l’association KHEPER