4. Un exemple : la ville de Steenwijk

Par
mercredi 2 octobre 2002

Miniature

Le cas de la ville Steenwijk est un bon exemple pour montrer la complexité des problèmes qui peuvent être traités dans une boutique de sciences. Le problème des habitants de Steenwijk a aussi bien des dimensions scientifique et sanitaire que politique et économique. La boutique a rempli ici à la fois un travail scientifique mais surtout un travail de médiation et de la recherche d’un consensus.

Le problème

Steenwijk est une petite ville située à 80 km au sud de Groningen. De nombreuses entreprises de taille moyenne sont depuis long temps installées autour de la ville, un fait qui est régulièrement à la base des craintes et des protestations des habitants a propos des pollutions environnementales. Parmi ces entreprises, il existe deux entreprises de tapisserie qui sont à l’origine de nombreuses plaintes sur la pollution de l’air par des composants chimiques produits par elles. En fait, surtout quelques quartiers de la ville qui ont été construits par la municipalité dans les dix à quinze dernières années et qui se retrouvent en assez proche voisinage avec les entreprises sont envahis régulièrement une fois par jour par un odeur très désagréable à cause des émissions de ces entreprises (pour ne pas dire simplement que cela pue). Les citoyens notaient également un nombre de cancer qui leurs semblaient élevé et craignaient, à part des nuisances olfactives très forte, des effets néfastes sur leur santé dus à des éventuelles émissions toxiques. De plus, ils s’interrogeaient sur la qualité de l’eau usée des entreprises qui parfois, en temps de pluie fort (ce qui n’est pas rare) coulait dans les tous près étangs. Le conflit entre les entreprises, les citoyens et les autorités locales avait déclenché vers 1991 mais n’avait jamais abouti à une solution, malgré deux analyses et rapports qui ont été faits à la demande des citoyens mais qui n’avaient pas identifiés des problèmes. Les habitants du voisinage critiquaient ces rapports parce que celui qui était demandé par la municipalité à l’Institut National de Santé publique et d’Environnement (Rijksinstituut Voor Volksgezondheit en Milieu, RIVM). portait des erreurs d’analyse qui rendaient toute analyse redoutable (une des habitantes était ingénieur en chimie et avait regardé le rapport de plus près) et l’autre était établi par des entreprises payées par les entreprises de tapisserie, donc le habitants craignaient sa neutralité et indépendance. La situation était ainsi bloquée, ni la municipalité ni les entreprises voulaient s’engager dans une nouvelle démarche.

Le groupe d’habitants

Les membres du groupe (à l’état actuel) sont très diversifiés en ce qui concerne leur fonds professionnels – il y a des commerçant(e)s, des mécaniciens, des femmes de foyer, des hommes d’affaires, des vendeuses, des ingénieurs. Robert Stokkers, un des leaders du groupe a résumé la situation : « La situation était une telle qu’il y avait beaucoup d’odeur et de fume et nous ne savions pas quoi faire. Quand on est assis dans son jardin pendant le week-end et régulièrement on est envahit par cet horrible odeur – ce n’est vraiment pas un plaisir. De plus, des rumeurs tournaient sur des cas de cancer et d’autres problèmes de santé. Alors, on décidait qu’il faillait réagir. »

Le contact avec la boutique de chimie

En 1999, de nouveaux membres joignent le groupe d’habitants et lui donnent un nouveau souffle. Le groupe d’habitant s’adressent ainsi avec son problème d’abord au réseau local de la protection environnementale qui les envoie ensuite vers la boutique de chimie qui n’était juste là pas connue parmi les habitants.
Pendant la première rencontre qui servait à créer une base de confiance entre les habitants et l’équipe du Chemiewinkel, ces premiers expliquaient leurs craintes et rapportaient sur les études faites dans les années précédente. Une deuxième rencontre servait à discuter plus en détail afin de pouvoir définir un projet de recherche. Mulder , le membre de la boutique de chimie en responsabilité pour ce projet expliquait aux habitants que les possibilités de la boutique étaient quand-même assez limitées, et proposait une stratégie adaptée. Puisqu’il n’était pas possible de travailler sur les trois problèmes – l’odeur, le cancer et la pollution d’eau – il fallait choisir le sujet qui avait plus de chance de donner des résultats utilisables dans un délai pas trop long. Même si les habitants étaient au début beaucoup fixés sur le problème du cancer ils acceptaient l’argumentation de Mulder. Puisque le cancer est un problème très complexe et puisque ramasser et analyser de telles données aurait pu encore durer quelques années, l’idée de s’engager dans un projet sur l’odeur et les émissions toxiques était finalement acceptée. De plus, deux différents rapports étaient déjà disponibles pour analyser les odeurs. Pendant ces négociations, pour Mulder, l’idée la plus importante était de fournir un rapport qui créerait la base d’un nouveau dialogue des habitants avec les autorités locales et les entreprises pour enfin trouver une solution qui pourrait convenir à toutes les partis.

Le projet de recherche

A partir de cet accord, Mulder a précisé le projet de recherche et a commencé à chercher un étudiants. Il le trouve en Peter van der Werf, inscrit dans des études d’environnement au Collège de Chimie à Groningen, une école d’ingénieur. Dans le cadre de ces études, van der Werf était obligé d’accomplir un stage de plusieurs mois. Via une liste comprenant toutes les possibilités de stage, Il trouvait le stage à la boutique de chimie. Le projet que Mulder proposait lui semblait intéressant, alors il décidait de travailler pendant quatre mois sur le problème d’odeur a Steenwjk. Il n’avait jamais avant entendu parler des boutiques de sciences. (Après avoir fini ses études a l’école d’ingénieur, van der Werf est en train de continuer pour d’autres deux ans des études a l’Université de Groningen. Il constate que les boutiques de sciences sont mieux connues ici.)
Sous la supervision de Mulder, van der Werf a combiné les données des deux rapports afin de calculer un scénario de « worst-case » des nuisances olfactives. Avec l’aide d’un programme de modélisation informatique, il calculait les quantités des unités d’odeur et des substances chimiques dans les émissions des deux entreprises. Van der Werf estime que ce travail lui demandait beaucoup d’efforts, un fait qui lui plaisait d’ailleurs, puisque les calculs demandaient beaucoup de rigidité et de contrôle. Mulder en tant que son superviseur l’aidait beaucoup, ils définissaient ensemble l’approche au problème (comment calculer les données) il contrôlait tous les résultats et la qualité finale du rapport (Werf and Mulder 1999). Les calculs et la préparation du rapport final prenaient au total trois mois. Pour la version finale du rapport, Mulder a également discuté avec un représentant du groupe d’habitants. Leur rapport concluait qu’au moment actuel, des éventuelles émissions toxiques ne présentaient pas un risque pour la santé puisque elles étaient largement (à un facteur d’au moins 100) en dessous des limites acceptables les plus bas. Par contre, une des entreprise excédait les normes légales des émissions olfactives. Van der Werf aimait beaucoup cette expérience. A part du travail scientifique il apprenait beaucoup : le déroulement du processus en général, le contact personnel avec les habitants, l’interaction sociale et, lust but not least, comment écrire un rapport. Le travail des boutiques de sciences lui semble un important outil en ce qui concerne l’accès a la science pour le citoyen »normal ».

La rencontre des différents acteurs

Deux semaines plus tard, une rencontre à la mairie de Steenwijk s’est tenue. Parmi les participants figuraient : Henk Mulder de la boutique de chimie, Peter van der Werf en tant qu’auteur principal du rapport, un représentant du Département Municipal de Santé, des élus locaux parmi eux Annelies Jansen, des représentants des entreprises et leur conseiller juridique en questions environnementales Rudi van der Kloet, des membres du groupe des habitants y compris Robert Stokkers, et un représentant du Réseau des rapports pour la santé et l’environnement (Monitoring Network of Reporting for Health and Environment). Les élus locaux essayaient pendant cette rencontre de pousser le groupe d’habitants d’accepter les conclusions du rapport du RIVM qui voyait aucun problème de toxicité ou de nuisance. L’intérêt de la Municipalité (qu’ils n’ont bien sûr pas avouer) de ne pas avoir de tels problèmes dans leur alentour était entre autre lié au fait que la ville avait envisagé de construire un champ de réfugiés. Ce champ devrait apporter des revenues supplémentaires pour la municipalité et risquait de ne pas être construit si la région était suspect d’avoir des problèmes environnementaux. De plus, les élus craignaient les résultats du rapport de la boutique de sciences et la défense du cause des habitants par celle-là. Finalement la parole était donner à Mulder. A la surprise des élus et des représentants des entreprises Mulder ne prenait pas automatiquement la position des habitants. Il expliquait que selon l’étude faite par la boutique de sciences les émissions toxiques ne présentaient pas, à l’heure actuelle, un problème. Il confirmait aussi à grande partie le rapport du RIVM qui est selon lui assez indépendant pour ne pas rentrer dans les enjeux et intérêts locaux d’une quelconque municipalité mais insistait sur le problème d’odeur provoquée surtout par une des deux entreprises. A l’occasion de cette première rencontre à la mairie, Annelies Jansen fait la connaissance de Mulder et travaille ensuite à plusieurs reprises avec lui. Même si elle connaissait le système des boutiques de sciences ‘en théorie’ dont elle avait entendu parler pendant ses études d’écologie, elle les découvre seulement par la coopération avec la boutique de chimie. Elle a confiance aux constats scientifiques de Mulder concernant le problème d’odeur. Jansen est à l’époque responsable du département d’environnement à la maire de Steenwijk, un service qui comprenait au total six personnes. Dans cette fonction, elle avait à traiter toutes les réclamations des habitants en ce qui concernait l’environnement comme le bruit, les odeurs et de l’eau polluée et des problèmes de santé liés à de telles pollutions. Le service possédait (et possède toujours) d’un système de registration des réclamations et est obligé de lister ces données dans son rapport annuel. Dans les années 1998 et 1999 les plaintes sur des odeurs nuisants augmentaient d’une façon considérable. Sur un total d’environ 150 plaintes enregistrées, celles sur l’odeur comptaient finalement pour la moitié. Dû à ce constat, Jansen décide de contacter un responsable du Service Municipal de Santé (Gemeenschappelijke Geneeskundige Dienst) pour avoir plus d’information. Peu après, elle est contactée par le groupe d’habitants qui demandent à la municipalité de s’engager pour changer la situation. Cela n’est pas la première fois qu’ils viennent. Mais après de longues années de bataille avec d’autres responsables de la ville et les entreprises, qui leurs faisaient comprendre qu’il n’existait aucun problème, les habitants sont impatients. Jansen ressens immédiatement la méfiance des habitants envers elle comme (encore une autre) représentante des autorités locales et leur conviction que la municipalité servira les entreprises et non pas leurs besoins. Indépendant de longes discussions entre Jansen et le groupe, Jansen ne réussi pas d’installer une relation de confiance. Pour elle, le problème majeur devient de continuer l’échange avec eux.
Après la rencontre à la mairie de Steenwijk, Mulder négociait également avec le consultant de l’entreprise van der Kloet qui connaissait bien le problème d’odeur. Kloet avait déjà entendu parler des boutiques de sciences auparavant mais n’avait jamais été en contact direct avec une. Il acceptait le rapport de Werf and Mulder et convainc l’entreprise en question d’admettre une coopération avec Mulder afin de comparer leurs données et de discuter leurs différents résultats. Si les différents acteurs se trouvaient juste là toujours dans les champs opposés, Mulder réussi de les réunir dans un comité de pilotage qui comprend des représentants de chaque groupe. Ce comité se met d’accord sur une méthodologie commune proposé par Mulder d’une nouvelle analyse des odeurs. Cette analyse finale était ainsi réalisé par le PRA-OdourNet (Project Research Amsterdam-OdourNet) et est basé sur cette méthodologie. Pendant la durée de cette analyse, le comité de pilotage s’est réuni régulièrement afin de suivre l’affaire. L’entreprise s’engage enfin pour la réduction de ses émissions olfactives même sans attendre le dernier rapport.

Le rapport final

Ce rapport est arrivé le 6 septembre 2002 auprès du comité. Il constate que selon les standards officiels aucune limite n’est dépassé par l’entreprise. Les standards légaux aux Pays-Bas ont fixé le limite des ennuis industriels olfactifs que la population peut subir à deux percent de l’année ce qui revient à 176 heures par an. Le calcul des limites est basé sur des unités d’odeur. L’entreprise est juste en dessous. Cette conclusion indique que légalement l’entreprise n’est pas obligée de changer la moindre chose ce qui montre une difficulté dans la définition des limites : parce que si on prend en compte le temps effectif d’émission, et non pas les émissions sur toute l’année, l’entreprise dépasse très bien les limites (Mulder, communication personnelle). Dans un première réaction, ce résultat était très difficile à accepter par les habitants qui refusent de croire que rien ne changera et qu’ils seront toujours confrontés aux odeurs. Néanmoins, l’entreprise en question se montre beaucoup plus coopérative puisque elle souhaite d’entretenir de bonnes relations avec le voisinage et essaie d’éviter une mauvaise publicité. Elle a partiellement réussi à réduire ses émissions. La diminution des odeurs est à la fois due au fait que l’entreprise produit moins de la moquette qui pu le pire, que quelques produits qu’ils utilisent aujourd’hui dans le processus de la fabrication comprennent moins d’ammonium que les précédents et qu’ils ont essayé d’ajouter des substances qui enlèvent des odeurs dans les gaz (exhaust gaz) (le dernier est encore au stade d’expérimentation). Pendant se temps, Mulder avait également contacté un collègue à lui, Jelte Bouma, de la boutique en médecine et qui travaille également dans le Centre du Nord de santé publique (Noordelijk Centrum voor Gezondheidsvraagstukken) afin d’avoir son opinion sur les premiers rapports puisque Bouma a beaucoup d’expériences et de grandes connaissances dans le secteur de santé environnementale et travaille beaucoup avec des groupes de patients. Il révélait un autre problème qui n’avait pas été mentionné juste là – celui de l’asthme chez des enfants qui présente, selon ses expériences, un problème sérieux dans de telles circonstances. En 2001, le Centre du Nord de santé publique a ainsi commencé un projet d’analyse d’asthme dans les voisinages concernés selon un questionnaire et une méthode standardisés qui ont déjà prouvés leur crédibilité dans de nombreuses études. A ce moment là, l’étude est toujours en cours mais de premiers résultats semblent indiquer qu’il existe un taux élevé d’asthme chez les enfants de 0 à 15 ans.

La suite

Donc, actuellement, l’histoire n’est pas encore fini. Une première réussite est que l ‘entreprise a réduit ses émissions d’odeur. Pas encore assez dans les yeux des habitants mais mieux que rien. Maintenant ils attendent les résultats de l’étude sur l’asthme. Un autre problème pose la décision de la municipalité de, malgré cette situation, construire un nouveau quartier dans le proche voisinage de l’entreprise. Si les relations entre l’entreprise et la municipalité étaient juste là bonnes, comme le considère van der Kloet, ce projet risque des les détériorer puisque l’entreprise intente de résister à ce projet faute de crainte de nouveaux problèmes avec des habitants.

Grâce à son travail scientifique et son rôle d’intermédiaire entre les différentes parties Mulder a finalement réussi de réinstaller la communication entre elles. Pour toutes les parties prenantes dans cette exemple, l’expérience avec la boutique de chimie prouvait que les boutiques de sciences jouent un rôle important dans la médiation des problèmes sociétaux locaux liés à des innovations scientifiques et techniques et qu’elles réussissent de remplir le rôle d’un acteur indépendant qui lui même n’a qu’un objectif qui est de résoudre un problème d’une telle manière que la solution soit acceptable pour tous les partenaires, y compris à long terme. Les différents acteurs confirment que les boutiques de sciences s’inscrivent activement avec leur démarche et leur façon de traiter les problèmes dans le modèle « polder » de consensus. Ils se disent satisfaits par le travail scientifique et de médiation de la boutique. Steenwijk est un exemple d’une politique de consensus locale.