Cet avis n’a pas vocation à traiter tous les problèmes soulevés par les OGM, mais seulement à faire le point en juillet 2000, sur les seuls organismes végétaux et avec des préoccupations du développement durable. Cependant la question des OGM a permis de révéler un certain nombre de difficultés de l’organisation du pouvoir politique à propos des productions scientifiques et techniques, qui obligent à articuler choix politiques et savoirs, scientifiques ou profanes. Les propositions qui sont faites ici, à partir du cas des OGM, intéressent donc aussi la plupart des nouvelles technologies.
Après deux rencontres avec des politiques, des scientifiques et des fonctionnaires chargés du dossier des OGM, les membres de la CFDD n’ont pas réussi à obtenir de données sur les avantages des plantes génétiquement modifiées actuellement plantées, pas même sur les rendements à l’hectare ou les doses de pesticides utilisées ; il semblerait même, qu’en Amérique du Nord, l’utilisation d’insecticides et d’herbicides n’a pas diminué depuis l’introduction des plantes transgéniques. Tous ont admis en tout cas que les rares études disponibles ne pouvaient pas être considérées comme validées sur le plan scientifique. Ayant appris toutefois que des études, financées par différentes institutions, étaient en cours en France, la CFDD demande que les termes de référence de ces études lui soient fournis, et souhaite pouvoir les discuter avec les chercheurs engagés dans ces opérations. Outre des études purement françaises, il serait important de faire évaluer rigoureusement les études américaines et canadiennes qui ont été entreprises sur les plantations effectuées depuis quelques années dans ces pays.
La CFDD en conclut que, faute d’éclairages précis sur les avantages des OGM, et donc en l’absence d’éléments pour contrebalancer les risques avérés, le moment n’était pas venu de prendre des décisions. Elle demande à participer au pilotage des études d’évaluation des OGM.
La CFDD constate que rien ne permet actuellement d’évaluer l’impact des OGM sur le tissu social agricole. Ce critère n’est pas pris en compte dans les procédures d’évaluation préalables à la mise sur le marché des OGM. La CFDD demande que les négociations soient reprises pour l’introduction des critères économiques et sociaux dans l’OMC. Elle souligne que le libre choix laissé aux consommateurs qui est l’un des critères du développement durable implique au minimum la réalisation d’une double filière qui n’a pourtant pas été fixée comme objectif clair dans la révision de la directive 90-220. Le coût imputable à l’introduction des OGM, y compris des pollutions accidentelles, doit être assumé par l’industrie des biotechnologies et non par les acteurs de la filière alimentaire traditionnelle.
La CFDD demande des procédures d’évaluation des coûts économiques et sociaux des OGM, y compris à l’OMC, et l’imputation des coûts d’éventuelles conséquences des OGM, comme ceux d’une double filière, à l’industrie des biotechnologies et non à la filière traditionnelle.
La CFDD est frappée du peu de lisibilité des politiques française et européenne en matière d’OGM. Les décisions, prises à des échelons très divers, local, national, européen, international conduisent souvent les citoyens à penser que la « contrainte » européenne ou internationale invoquée par le gouvernement est une manœuvre destinée à faire passer des décisions favorisant les intérêts économiques des industriels au détriment des intérêts des citoyens. La politique de recherche en matière de plantes transgéniques qui conduit à augmenter les crédits d’une technologie par ailleurs soumise à moratoire et très contestée dans plusieurs rapports parlementaires, en est un exemple et augmente des problèmes qu’elle prétend avoir la capacité de résoudre.
La CFDD pense que le gouvernement devrait présenter plus clairement le sens de son action sur des points précis, et rendre compte régulièrement de la manière dont il réalise ces objectifs. Lorsqu’il a commandé un rapport ou une expertise, il devrait en rendre publique une analyse, expliquer comment il suit certaines recommandations et donner les raisons pour lesquelles il s’écarte d’autres suggestions.
Pour des raisons parfois opposées, le public se sent insuffisamment représenté par ceux dont c’est la fonction institutionnelle, Parlement, gouvernement, partis politiques, syndicats, et même ONG. Les crises sanitaires et environnementales qui ont abouti à la révélation de dangers connus depuis longtemps ont accentué le sentiment de distance entre ceux qui décident et ceux qui subissent. Le milieu scientifique, à travers la figure de l’expert, n’en est pas sorti indemne.
Les Conférences de citoyens sont un moyen d’expression qu’il conviendrait de développer sous des formes variées. Comme déjà évoqué dans l’avis 01 de la CFDD (mars 2 000), elles ont vocation à compléter les autres institutions et procédures de la démocratie sans les remplacer ni prétendre résoudre tous les problèmes, moins encore prendre des décisions. Leur fonction principale est d’éclairer les politiques sur ce que pensent et veulent leurs concitoyens.
La décision publique impose de plus en plus souvent le préalable d’une expertise. Dans de nombreux cas, les commissions d’experts ne comportent pas de représentants de la société civile. Dans d’autres cas, ils sont présents mais marginalisés par le fonctionnement technique de la commission.
La CFDD propose qu’un cercle citoyen autonome du type Comité Consultatif pour l’Évaluation des Technologies (voir avis 01) puisse convoquer les commissions d’experts et leur demander explications et justifications de leurs analyses et de leurs conclusions
Les grands choix en matière de recherche sont effectués de manière opaque alors qu’ils engagent l’avenir. La programmation de la recherche est faite au nom d’une demande sociale dont personne ne sait comment elle est estimée.
La CFDD demande qu’une réflexion soit menée sur la participation des citoyens à la définition des objectifs de recherche dans les grands organismes publics. Cette contribution de la société civile serait surtout utile au niveau de projets précis portant sur des questions sensibles comme l’alimentation animale.
En outre, la CFDD demande de façon pressante :
que le gouvernement examine d’urgence la question de l’inadaptation des réglementations actuelles à la technologie de la mutagenèse dirigée.
que le gouvernement active la réflexion beaucoup trop lente et hésitante entamée sur les alicaments.
que des indicateurs objectifs soient définis pour mesurer les « pollutions accidentelles » et évaluer les risques écologiques et les dommages économiques des contaminations par OGM.
que les plantes génétiquement modifiées pour produire leur propre insecticide soient analysées selon les mêmes procédures qu’un insecticide. Pour les plantes devenues tolérantes à un herbicide, cette situation inédite où le végétal accumule les produits phytosanitaires nécessite des études nouvelles sur la toxicité de l’herbicide et de ses métabolites.
que le gouvernement prenne conscience de la faiblesse de la directive 90-220 en matière d’évaluation des risques pour la santé humaine. Aucune méthode d’évaluation des risques pour la santé n’est proposée dans les annexes techniques de la directive, ce qui équivaut de facto à une absence d’obligation d’évaluation.