Les « Nouvelles de prison » sont terminées. Ces nouvelles « Nouvelles » changent de ton et de perspective. Depuis le samedi 29 mai, Youri Bandajevsky se trouve en relégation au centre ouest du Belarus, dans une ex-base militaire de lancement de fusées, située dans un territoire non contaminé par la radioactivité, à mi-chemin entre Minsk et Grodno.Suivant la loi, Youri Bandajevsky devra y rester jusqu’à la liberté conditionnelle, fin décembre 2004. Il ne peut pas quitter le territoire administré par la colonie, mais il peut recevoir les visites de l’étranger, parler à des journalistes. Il arrive que cette colonie propose une libération anticipée.
Moins d’un mois s’est écoulé depuis la diffusion des « Nouvelles de prison » n.27 (7 mai 2004), qui décrivaient les contorsions du régime de Loukachenko pour justifier le déni du droit à la relégation de Bandajevsky (forme de détention de type ouvert), et qui publiaient son démenti formel aux assertions du gouvernement sur le prétendu suivi médical dont il aurait fait l’objet en prison, qu’il a adressé à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Le 5 mai dernier, guéri de ses espoirs illusoires, Bandajevsky avait dit à sa femme : « Je n’attends plus rien d’eux. Je continuerai mon travail. Ils ne peuvent plus rien contre moi. Je suis déterminé à porter ma croix jusqu’au bout. Je ne me trahirai ni ne m’humilierai devant eux. « Quand Galina lui a parlé de l’Europe et du Comité des Droits de l’Homme, dont nous attendions les actions et des résultats, il lui a répondu qu’il n’y mettait pas un grand espoir. Maintenant, le chapitre prison est clos.
L’action convergente de son avocat, de la Présidence de l’Union Européenne, de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), de l’OSCE, des ambassadeurs européens à Minsk et des appels de l’opinion publique indignée ont sorti l’effet, modeste à vrai dire, de faire respecter par les autorités du Belarus leurs propres lois, en accordant au prisonnier cette forme de peine plus légère.
Changements et problèmes matériels
La Colonie Rééducative de Relégation (« Ispravitelnaia Kolonia Posélénia » – ИКП) de Gezgaly se trouve à 220 km à l’ouest de Minsk. Le transfert des détenus de différentes prisons s’est effectué pendant la nuit du vendredi au samedi dans le plus pur style soviétique. Les prisonniers avec les menottes aux poignets étaient escortés par de militaires armés et des chiens. Pendant les haltes, leurs sacs étaient jetés sur la route, les soldats les ouvraient, éparpillaient les affaires avec leurs bottes et ordonnaient ensuite de les ranger. Cette scène humiliante s’est répétée à trois reprises dans la nuit. Par contre, l’accueil sur le territoire de la colonie fut un retour dans la civilisation : l’officier qui les a reçus humainement était sans armes ni chiens. Après les tensions nocturnes, le nœud à la gorge s’est desserré par quelques larmes.
En relégation, les détenus sont entièrement à la charge de la famille. On ne les nourrit pas, même pas avec la tambouille indigeste des prisons, ce qui ne change pas grand chose pour Bandajevsky. Galina est allée là-bas mardi dernier, accompagnée par le frère de Nesterenko, Vladimir, avec douze sacs, colis et paquets de victuailles et d’affaires. Au début, elle a trouvé Youri désorienté par la nouvelle situation de « liberté », comme un animal traqué qui ne trouvait pas sa place. Au bout d’une heure de conversation avec elle, il s’est recentré. Il l’a priée de nous transmettre à tous un énorme merci de l’avoir soutenu au cors de ces années et finalement libéré.
Le climat humain, très différent comparé aux rigidités de la prison, semble justifier cette sensation de libération, qui lui donne le vertige. Galina a parlé avec le directeur de la colonie (elle n’a pas retenu son nom de famille, seulement Vassili Vassilievitch). Cet homme ressemble plus à un clinicien qu’à un directeur de prison. Sa tâche consiste à réhabiliter les détenus pour un retour à la vie normale. Jugeant que la personnalité et les capacités de Youri ne sont pas exploitées au mieux dans les travaux de bûcheron, ni adaptées à une cohabitation avec les détenus de droit commun, il a proposé d’emblée de lui trouver une maison à louer dans un village voisin, pour qu’il puisse s’y organiser pour travailler à sa science et recevoir des personnes de sa famille ou des amis, pour ne pas vivre complètement seul. Dernières nouvelle du 5 juin : Solution rapide et inespérée, Youri habite depuis le 4 juin dans une maison louée dans le village de Peskovtsy au bord du Niémen, à 30 km de la colonie. Le Directeur de la colonie a accompagné Youri, Wladimir Nesterenko (frère de Vassili) et Sasha Slesar (frère de Galina) pour trouver la maison. Il a confié Youri à la Présidente du Conseil de village, Valentina Tadeuchevna, et au président du kolkhoze, Viktor Genrikhovitch, qui l’emploiera formellement comme gardien, avec liberté d’organiser son temps et son travail scientifique. Belrad lui fournira un vieil ordinateur. Le problème du téléphone est en cours de règlement. Cette installation est entièrement aux frais de note association.
Galina a sa fille adolescente, Natacha, et son travail à Belrad : elle ne peut pas quitter Minsk en permanence. Son frère, Sacha (Alexandre), sa fille Olga, Vladimir, le frère de Nesterenko sont d’accord de venir habiter à tour de rôle avec Youri. Ce lien, ces distractions de personnes de leurs activités professionnelles, les transports fréquents entre Minsk et le village impliquent des coûts, pour lesquels nous devrons trouver une continuité de financements complémentaires. Nous avons demandé un décompte mensuel des dépenses engagées, que nous avons promis de couvrir avec votre aide.
Cet équipement minimum, une ligne téléphonique, un ordinateur, Internet…, permettra à Youri Bandajevsky d’entrer librement dans le réseau de la science internationale. Dans son commentaire aux informations que le gouvernement a fait parvenir à la Commission des Droits de l’Homme à Genève, Bandajevsky a écrit le 5 mai dernier : « Ce n’est qu’après la visite que des membres du Parlement européen me firent, que des changements survinrent dans mes conditions de détention et qu’on me fournit un ordinateur destiné à la recherche scientifique. Je dois souligner que cet ordinateur, je ne pouvais l’utiliser qu’en guise de machine à écrire. La direction de la colonie avait interdit de transmettre sur disquettes des informations scientifiques aussi bien dans le sens de la prison que dans l’autre, d’autant plus de me servir d’Internet ou de la poste électronique. Peut-on parler de recherche scientifique dans ces conditions ? »
d’après Wladimir Tchertkoff