Cahier des charges

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jeudi 1 juillet 2004

Miniature

Questions posées à la recherche par des citoyens, chercheurs ou membres de la société civile. Objectifs du groupe de travailLe groupe a la particularité de réunir des chercheurs en biologie et en sciences sociales, des juristes et des représentants de la société civile. Il prendra la forme d’un forum électronique accompagné de quelques réunions physiques. Il a pour objectif de produire, pour la fin de l’année 2004, un rapport qui sera fondé sur les contributions des membres du groupe et qui reprendra les questions que les chercheurs et les juristes (comme citoyens ou comme experts de leur spécialité) ainsi que les représentants de la société civile posent à la recherche pour répondre aux questions des citoyens sur le brevetage du vivant.Le rapport pourrait être fondé sur trois types de contributions : expériences, analyses et propositions. Ces dernières seront destinées à alimenter les débats en cours sur l’organisation et les modalités de la recherche.

Les questions ci-après pourraient constituer le « cahier des charges » de notre travail. La composition du groupe telle qu’envisagée actuellement permettra de traiter ces questions suivant quatre angles de vue : nouveau cadre international, aspects juridiques des brevets et alternatives, points de vue des biologistes, conséquences sociales et économiques.

Contexte général

Le secteur privé oriente une grande partie de la recherche sur le vivant. Il y consacre des investissements très importants financés sur ressources propres ou sur crédits publics. Ces investissements, qui portent sur des périodes longues, doivent, selon leurs promoteurs, être protégés par des droits de propriété intellectuelle tout au long de la période de recherche-développement..

Le secteur public se trouve ainsi confronté à trois questions importantes :

dans quelle perspective sociale et selon quelles priorités éthiques la recherche publique doit effectuer des recherche sur le vivant ?

comment la recherche publique doit-elle diffuser ses résultats ? Suivant quelles modalités peut-elle ou doit-elle conduire des recherches appliquées ?

est-ce qu’elle doit breveter les résultats de ses recherches ou doit-elle, au contraire, laisser les résultats en accès libre en les publiant, en particulier quand ces résultats sont partiels ? Le risque est en effet que certains s’emparent de ces résultats partiels et poursuivent les recherches pour breveter les résultats issus de ces nouvelles recherches.

Dans ce contexte, des questions se posent concernant les alternatives au brevet, les rapports entre recherche privée et publique et des actions juridiques et plus militantes qui pourraient être menées :

A- Alternatives au brevet

1 Une littérature abondante existe maintenant pour montrer que, dans de nombreux cas, le brevet freine les progrès de la connaissance au lieu de les favoriser. Le brevet rémunère les financeurs de la recherche plus que les inventeurs eux-mêmes. Pourquoi alors maintenir un système aussi contre-productif ?

2 Le brevetage du vivant a des conséquences mécaniques importantes sur le fonctionnement économique, social et politique de nos sociétés. Exemple : semences, pouvoir des firmes agro-alimentaires, monopole des firmes sur la recherche et développement de contrôles policiers… Les sciences humaines doivent travailler sur ces questions.

3 Questions aux juristes :

quels modèles légaux sui generis de protection de la propriété intellectuelle sur les variétés sont envisageables ?

comment les connaissances des communautés indigènes pourraient être protégées et rémunérées autrement que par un système de brevets (comme le recommande l’OMPI)

comment redonner aux connaissances et aux inventions biotechnologiques le statut de ressources en accès libre (type Linux ou pools de brevets ou licences non exclusives sur brevets ou licences gratuites à certains partenaires…) ? Dans une telle hypothèse, comment organiser le contrôle de l’usage des connaissances ? Certains ont envisagé une réduction sensible de la durée des brevets moyennant une extension des droits qu’ils ouvrent.

4 Quelle est la justification économique, sociale et politique des investissements massifs actuels dans la transformation volontaire du vivant ?

5 La recherche publique est-elle en mesure de s’opposer à la pression actuelle en faveur de la marchandisation du vivant ? De quels moyens (financiers, juridiques…) devrait-elle disposer et quelle organisation de la recherche devrait-elle mettre en œuvre pour engager ce mouvement ?

6 En conclusion, qu’est-ce qui justifie l’appropriation du vivant ? La CDB comme le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques destinées à l’agriculture et à l’alimentation montre qu’il est possible de transformer le cadre international actuel d’appropriation des ressources du vivant moyennant l’adoption de règles d l’accès aux ressources et partage des bénéfices.

7 Concrètement, peut-on utiliser les législations existantes pour transformer la pratique des brevets, en prenant notamment en compte l’utilité sociale et environnementale des recherches, à court et à long terme ?

B- Rapports entre recherche publique et privée

Dans la situation actuelle ou si les perspectives précédentes se concrétisent :

8 Quelle connaissance doivent être protégées contre l’appropriation privéedans le domaine du vivant (gènes, séquences géniques, etc.) ? Par quel(s) instrument(s) ?

9 Quelles peuvent être les pratiques des chercheurs en matière de valorisation commerciale de leurs innovations ? Comment doivent être mis en œuvre les « accords de transfert de matériel » (voir traité FAO) ? Comment organiser les échanges de connaissances sur le vivant ? Des brevets conjoints public-privé sont-ils opportuns ?

10 Comment les citoyens, le Parlement, peuvent-ils être mieux associés aux décisions des organismes publics concernant la recherche sur le vivant : programmation de la recherche, diffusion des résultats, discussion des perspectives de mise en valeur ?

11 Est-il envisageable d’intervenir en amont sur les orientations de la recherche privée ?

C- Dans une optique juridique :

au niveau français et européen :

12 Est-il envisageable de ne pas transposer en droit français la directive 98-44 de l’Union Européenne sur la protection des inventions biotechnologiques ? Est-il au moins possible de renégocier l’article 5 qui à la fois interdit et autorise et, donc, autorise le brevetage du vivant ?

13 Comment soumettre les pratique de l’Office Européen des Brevets au contrôle du Conseil et du Parlement européens ?

au niveau de l’OMC :

14 Que se passera-t-il en 2006 pour les PMA et plus généralement pour les pays en développement – sans doute nombreux – qui n’auront pas adopté de législation sur le droit de propriété intellectuelle ?

15 Est-il envisageable que les accords ADPIC soient révisés ? Comme former une communauté d’intérêts au niveau international en faveur d’une telle révision ?

16 Est-il possible d’étendre la portée et les modalités d’octroi des licences obligatoires, notamment dans le domaine de la santé ?

au niveau de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) :

17 Les lignes directrices de la CDB sur l’accès aux ressources et le partage des avantages n’arrivent-elles pas après la bataille : les firmes ont quasiment achevé leurs recherches de bio-prospection et la plupart des ressources génétiques de la planète se trouvent déjà dans les banques de semences du Nord ?

au niveau des rapports entre CDB et ADPIC :

18 Est-il envisageable que l’octroi d’un brevet soit soumis à la divulgation des sources utilisées ?

19 Comment introduire plus de cohérence entre l’attitude très pro-brevet de l’OMPI, le caractère moins fermé de l’accord ADPIC et l’ouverture de la CDB ?