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Rôle confirmé des Ethers de glycol dans l'atteinte à la reproduction

Une communication importante a été faite par Luc Multignier de l’Inserm U625 lors des journées de l’InVS le 7 décembre dernier. Cette communication était intitulée « Impact des expositions aux éthers de glycol sur la fertilité masculine : agents de la ville de Paris (2000) et agents de la RATP (2002) ».Cette étude a été faite auprès de 111 et 129 salariés dans les 2 établissements. Elle montre une atteinte de la qualité du sperme dans les 2 populations exposées aux éthers de glycol, soit à la Mairie de Paris (baisse du nombre de spermatozoïdes et baisse du nombre de spermatozoïdes normaux), soit à la RATP (baisse du nombre de spermatozoïdes). Ces effets sont observés chez les hommes exposés avant 1995, date à laquelle ont été retirés les éthers de glycol les plus toxiques.

Ces résultats sont cohérents avec ceux de 2 enquêtes américaines publiées au début des années 90 chez les peintres en chantier naval (Etude de Welch) et les ouvriers fondeurs (étude de Ratcliffe), mais c’est la première fois que cet effet est mis en évidence chez des peintres n’ayant plus d’exposition actuelle.

La durée d’un cycle de spermatogénèse chez l’homme étant de 72 jours, ces résultats montrent que le patrimoine génétique des cellules souche de la spermatogénèse a été lésé.
Cela conforte une autre étude publiée en 2002 montrant une lésion du patrimoine génétique des ovocytes (étude de El Zein sur des ouvrières mexicaines ayant été exposées à un éther de glycol tératogène EGME et ayant donné naissance à des enfants malformés, quand elles étaient exposées, mais aussi après avoir été retirée de l’exposition ; les enfants présentaient une atteinte cytogénétique ) et une action de type perturbateur endocrinien pour EGME mise en évidence en 2004 (Jansen). Ces résultats confortent l’hypothèse de cancérogénicité de ces substances. Ces résultats sont importants du point de vue santé publique, car on estime qu’un million de travailleurs étaient exposés en France dans les années 80 à ces substances et un nombre encore plus grand de consommateurs, via les produits domestiques ou les médicaments anti-acné.

Ils confortent l’hypothèse du rôle des éthers de glycol dans la baisse de fertilité et la baisse de la qualité du sperme dans le monde, formulée en 1992 par la publication de Carlsen.

Aujourd’hui, même si les éthers de glycol les plus toxiques (EGME, EGEE et
EGEEA) ont commencé à être retirés, ils restent autorisés en milieu de travail et il subsiste un certain nombre d’autres éthers de glycol (principalement EGBE) à la toxicité avérée (cancérogénicité chez l’animal, effets vasculaires) et encore utilisés massivement dans les produits industriels et domestiques.

6 cas d’intoxications sévères, dont une mortelle, attribuées à un autre éther de glycol (DEGEE) utilisé comme excipient d’un médicament (le Pilosuryl), ont par ailleurs été signalés cette année (effets rénaux).
La question du rôle de cet éther de glycol dans l’insuffisance rénale est posée.

Ce dossier des éthers de glycol est une illustration de la nécessité de la directive européenne REACH. Ces substances ont été mises sur le marché dans les années 30 ont été utilisées massivement dans le monde sans avoir jamais été testées. La 1ère étude montrant une toxicité sur la reproduction date de 1971. Les études étaient suffisantes pour que soit lancé dès 1982 par l’Etat de Californie le premier avis d’alerte, mais il aura fallu 1998 pour voir la première interdiction (pour les plus toxiques et dans les seuls médicaments et cosmétiques) et aujourd’hui encore une large population y est encore exposée via les produits industriels et domestiques.

André Cicolella

le lien avec le site de l’InVS

http://invs.sante.fr/publications/2004/js_2004/expositions_sante.pdf [1]