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Quels enjeux pour la science, pour le développement, pour un monde solidaire ?

Colloque préparatoire organisé par le Comité d’organisation des États Généraux de la Recherche Nord-Sud – http://slr-nord-sud.apinc.org/ [1] États généraux de la recherche et de l’enseignement supérieur

RECHERCHE ET RELATIONS NORD – SUD

Quels enjeux pour la science, pour le développement, pour un monde solidaire ?


Paris, 30 juin – 1er juillet 2004

A la suite du mouvement  » Sauvons La Recherche  » (SLR), la politique de recherche nationale et le dispositif qui lui donne forme sont remis à plat. Organisés par le Comité d’Initiative et de Proposition (CIP), reconnu par le gouvernement et auquel participe des représentants du mouvement  » Sauvons la Recherche « , des États Généraux nationaux de la recherche et de l’enseignement supérieur se tiendront fin octobre, afin de conclure et de valider le document de synthèse qui sera remis au gouvernement le 5 novembre.

Des contributions doivent être apportées par les Comités Locaux d’organisation des États Généraux (CLoEG), du 20 juin au 15 juillet. C’est dans cette dynamique que le Comité Local d’organisation des États Généraux de la recherche Nord-Sud, reconnu par le CIP, organise ce colloque.

Comme les autres colloques régionaux, ce colloque devra produire une contribution provisoire, qui sera remis au CIP au plus tard le 15 juillet, sur les quatre thèmes adoptés pour les débats à l’échelon national (cf. http://cip-etats-generaux.apinc.org) :

Thème 1 : Recherche et société – les rapports entre la science, la recherche et la société

Thème 2 : Organisation, structuration et financement – recherche publique et privée, et leur articulation avec la recherche européenne

Thème 3 : Statut des personnels – quels statuts pour les chercheurs, les ingénieurs et techniciens, les doctorants, les enseignants-chercheurs, etc.

Thème 4 : Évaluation – qui évalue quoi, comment, et selon quels critères

Ces questions doivent être analysées selon un éclairage particulier, si l’on prend comme critère la nécessité de maintenir une recherche Nord-Sud, non seulement comme lieu de production de connaissances, mais également comme engagement politique de coopération et de soutien au pays du Sud et à leurs communautés scientifiques, gage d’un monde plus pacifique et plus riche de ses diversités culturelles.

Depuis longtemps, le savoir est considéré comme jouant un rôle essentiel dans la croissance économique et le développement. Désormais, c’est la maîtrise du savoir qui détermine l’avantage comparatif des entreprises, bien entendu, mais aussi celui des États, et partant, le niveau atteint sur les plans économique, politique et social de leurs populations. La question des savoirs, de leur production, de leur maîtrise, de leur acquisition et de leur transmission, centrale pour chaque État, se pose dans un contexte qui oriente les systèmes de production scientifique : les politiques nationales se délitent au profit des priorités décidées par des bailleurs de fond ; les élites formées à grand frais par leurs pays sont captées par les États à même de leur offrir emplois et conditions de travail décentes ; les technologies sont normalisées par les firmes dominantes sur le marché, qui tendent à monopoliser l’innovation par leur capacité à investir dans la R&D ; les systèmes éducatifs s’alignent sur les modèles construits par les institutions internationales (Banque mondiale et OCDE notamment) ; le statut de la recherche, et des chercheurs, est en profonde mutation, contraint de s’adapter à un pilotage par la demande des opérateurs économiques ; la compétition tend à modifier le système de valeur et une économie de la propriété intellectuelle se substitue à celle de la reconnaissance académique, et la culture du secret l’emporte sur celle de l’échange gratuit des savoirs entre communautés scientifiques.

Pour autant, la science a ses propres exigences, et reste encore l’un des outils aux mains des États (sauf peut-être les plus pauvres) pour orienter leur politique à moyen ou long terme. Ce contexte frappe donc les États de façon différenciée, et plus durement les pays du Sud. Au Nord, les gouvernements savent qu’ils ne sauraient se désengager du soutien et de l’orientation d’une recherche nationale, parfois rognée mais pas abandonnée. La science apparaît toujours – et probablement même plus que jamais – comme une ressource stratégique, sur le plan de la compétition économique et politique (comme aussi, bien entendu, militaire), au contrôle de laquelle aucun État ne veut renoncer (notamment en souhaitant renforcer le pilotage par le haut).

Dans les pays du Sud, cependant, la situation se présente de façon différenciée : les pays émergents conservent une capacité à investir fortement dans leur système de recherche et certains parviennent à compter comme partenaires à part entière, dans la compétition scientifique internationale, grâce à des politiques volontaristes. A l’autre extrême, les pays les plus pauvres, malgré les efforts consentis aux lendemains des indépendances, ont été totalement marginalisés par la crise des années 1980 et les plans d’ajustement structurel ; là, les systèmes nationaux de recherche ont été totalement vidés de leur contenu ; les scientifiques – socialement déconsidérés – ne peuvent tout simplement plus vivre de leur métier et sont contraints soit d’abandonner la recherche, soit d’exercer d’autres emplois sans aucun rapport avec leur qualification ou leur profession, ou de courir les appels d’offre de recherches commanditées ailleurs, dans lesquelles ils n’ont aucun pouvoir d’orientation de leurs travaux.

Il s’agit là de tendances, bien entendu, et l’analyse demanderait à être nuancée. Ainsi, par exemple, convient-il de remarquer que la fuite des cerveaux est aussi due au non-respect des droits de l’homme ou, plus généralement, à l’arbitraire étatique et à la corruption. Reste que l’écart se creuse de plus en plus profondément entre les États qui maintiennent ou conquièrent une capacité d’initiative scientifique et ceux qui s’en trouvent de plus en plus radicalement privés. Cet écart est évidemment cumulatif et se répercute sur la possibilité, du côté du pôle le plus démuni, d’assurer une croissance économique et le développement social qui les ferait rentrer dans l’arène. On peut penser qu’une politique volontariste d’aide et de soutien aux communautés scientifiques du Sud peut contribuer à rattraper l’écart et sortir de ce cercle vicieux. A l’instar de la reconstruction de l’Europe d’après guerre, l’exemple des pays émergents ne montre-t-il pas que les « démarrages » économiques se font dans le cadre d’économie nationale protégée visant à assurer le développement d’entreprises privées grâce aux soutiens d’investissements publics massifs, particulièrement dans la formation des hommes ?

Au nom de quoi cette politique de soutien aux pays du Sud sera-t-elle décidée ? Les industries du Nord ont de moins en moins besoin du Sud, dont les seuls avantages comparatifs – des produits primaires abondant et une force de travail bon marché, mais peu qualifiée – perdent progressivement de leur intérêt. De plus en plus, les pays du Sud ne sont vus qu’en termes sécuritaires, au nom de la menace politique que représentent la fragilité des régimes dont la légitimité est fortement questionnée par les populations. La tentation est grande de se satisfaire alors d’une politique de « containment« , où le Nord se contenterait de veiller à ce que l’absence de maintien de l’ordre dans les pays du Sud ne se répercute pas sur ses intérêts, laissant par ailleurs libre cours aux accords commerciaux noués par les firmes, mais sans coopération scientifique (ni autre). Le prix d’une telle option est, on l’aura compris, un monde de plus en plus unipolaire.

En outre, dans un monde globalisé, les réponses scientifiques ne peuvent être le seul fait d’une ou de quelques groupes. Toutes les communautés doivent être associées et coopérer pour affronter les nouveaux défis scientifiques. Exclure certaines communautés de l’aventure humaine que représente la recherche fait prendre le risque d’une perte de légitimité de la science – voire de la raison – et, en conséquence, celui d’un détournement des élites vers des idéologies irrationnelles et potentiellement dangereuses, comme on peut déjà le voir.

Des sciences coloniales affirmant leur autonomie, aux techno-sciences s’inscrivant dans une logique de marché, en passant par les sciences au service du développement, les transformations de la recherche Nord-Sud reflètent l’évolution des problématiques scientifiques mais aussi des grandes orientations politiques : elles résultent de choix de société sur lesquels il est urgent de débattre. Recherche fondamentale, finalisée, ou appliquée ? Mondialisation de la science ou dynamiques scientifiques locales ? Excellence ou coopération ? Priorité à l’aide au développement ou à la production de connaissances ? Logique scientifique ou réponse aux priorités politiques ? La recherche Nord-Sud s’est bâtie sur ces contradictions, son fragile équilibre évoluant dans un sens ou dans un autre au gré des orientations politiques et des priorités scientifiques. Doit-elle aujourd’hui trancher, quitte à se priver d’une partie de ses objectifs ? Ou peut-elle trouver un nouvel équilibre ?

On le voit, le contexte actuel pose à nouveau la question : quelle science pour le Sud ? Reprendre ces débats constitue à la fois une nécessité, tant scientifique que politique. Les  » états généraux de la recherche  » nous offre une opportunité rare d’expliciter les attentes associées à la recherche Nord-Sud, de favoriser les échanges entre les acteurs de la coopération et du développement, d’ouvrir un dialogue avec la société civile. D’autant plus que les questions qui la traversent aujourd’hui sont aussi celles qui traverse la société du local au mondial.

Quel est l’état des lieux ?
a) en termes de contexte économique et politique : quels sont les évolutions des rapports de force et de la division des tâches entre recherche publique et recherche privée ? Quelles sont les contraintes imposées par la marchandisation des savoirs, la logique de rentabilité, la recherche de brevetabilité des découvertes ?
b) en termes de dispositifs : quels sont les acteurs en présence et leur poids respectifs, au Nord et au Sud : chercheurs, États, décideurs économiques, institutions internationales, société civile ? Quelles sont leurs légitimités, scientifique et politique ? Quelle ampleur prend la confiscation des élites scientifiques du Sud par l’expertise ? Quel est le rôle réel des ONG ?

Qui décide de quel agenda scientifique ?
a) lorsqu’il est piloté par la demande sociale – lutte contre les grandes endémies, prévention des conflits, des catastrophes naturelles, gestion des ressources non renouvelables – l’intérêt des pays du Sud est-il pris en compte dans toutes ses dimensions, ou ne répond-on qu’à l’urgence ? Comment tient-on compte des intérêts divergents, à court et long termes, entre la logique des pays déjà industrialisés et des pays en phase d’industrialisation ?
b) lorsqu’il est piloté par la demande scientifique, comment s’établit la hiérarchie des priorités ? Comment s’établit l’équilibre donné aux programmes soutenus, entre les grandes disciplines ? Quelles sont les stratégies définies : une recherche axées sur les spécificités des écosystèmes concernés, ou selon les avantages comparatifs des systèmes de science ? Cherche-t-on à développer avant tout les capacités scientifiques nationales déjà significatives dans tel ou tel pays du Sud ? Ceux-ci doivent-ils au contraire chercher à être présents dans tous les domaines scientifiques ? Ou se mettre au service des agendas scientifiques du Nord ?

Comment participer au développement d’une science au Sud ?
a) par une coopération spécifique dédiée à cette coopération : faut-il des établissements spécialisés ? Comment tenir alors l’équilibre entre la finalité politique du développement en coopération et l’excellence scientifique nécessaire ? Comment  » apprendre à pêcher au lieu de fournir le poisson  » ? Comment évaluer ensemble les missions de production de connaissance scientifiques, de connaissances pour le développement, de formation des communautés scientifiques du Sud ? Comment les  » bénéficiaires  » doivent-ils être associés à l’évaluation scientifique et à quel niveau ? Comment garantir l’indépendance des choix stratégiques ?
b) par une coopération élargie à l’ensemble de la communauté scientifique : comment aider les États du Sud à ne pas perdre les chercheurs nationaux qui se sont expatriés, mais au contraire à bénéficier de leur insertion dans des lieux d’excellence de la recherche ( » brain gain « ) ? Comment aider les communautés scientifiques à faire connaître leurs travaux ? Pourquoi et comment ouvrir les problématiques qui orientent la recherche dans le main stream aux problématiques spécifiques qui s’élaborent au Sud ? Quelle place et quel équilibre pour la recherche en coopération bi-latérale et multilatérale (à l’échelon européen, notamment) ?

Telles sont les questions qui, pour nous, doivent orienter notre contribution au CIP. Il s’agit de développer l’argumentaire qui permettra de convaincre les décideurs de ne pas oublier cet aspect à nos yeux fondamental : le maintien d’une recherche Nord-Sud au sein du dispositif de recherche français qui va probablement connaître une réforme importante.

Nous vous invitons à prendre part à ce débat,

D’une part, en développant, fut-ce rapidement, les positions que vous souhaitez défendre ou les questions que vous vous posez, sur le forum ouvert sur le site que nous avons construit à cet effet :
http://slr-nord-sud.apinc.org/

D’autre part, en venant participer au colloque, les 30 juin et 1er juillet. Nous vous prions de bien vouloir nous signaler votre présence en retournant le formulaire ci-joint.

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http://slr-nord-sud.apinc.org/

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Quels enjeux pour la science, pour le développement, pour un monde solidaire ?

Paris, 30 juin – 1er juillet 2004

J’assisterai au colloque (le lieu du colloque et le programme des séances vous seront communiqués ultérieurement)

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