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Le coût de recherche et développement du médicament tombe de haut…

La désinformation pharmaceutique sur les 802 millions de dollars par médicament mise à mal par des estimations récentes.

L’industrie pharmaceutique dispose de moyens de communication très performants pour déformer la réalité de ses actes en lançant des écrans de fumée tels que des chiffres fictifs et des données imaginaires et non vérifiables sur ses dépenses réelles en recherche et développement (R&D). Les mythes ainsi créés donnent l’image d’une industrie qui, plus que toute autre, investirait « sur ses fonds propres », en prenant des risques pour financer en permanence le développement de médicaments innovants.

Chaque médicament coûterait 802 millions aux laboratoires, selon des estimations internationales (faites par des auteurs ayant des conflits d’intérêts), voire même un milliard, selon le syndicat patronal PhRMA (Etats-Unis) et son équivalent français, le LEEM. Ces énormes sommes d’argent sont évoquées en permanence, parce qu’elles devraient justifier le prix très élevé des médicaments, mais aussi les exclusivités que s’accorde l’industrie pharmaceutique qui profite d’une politique de propriété intellectuelle parfaite pour assurer des profits privés permanents à travers des brevets (qui peuvent être prolongés) et des marques. Le projet européen Innovative Medicines Initiative est exemplaire en ce sens.

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/10/09/innovative-medicines-initiative-la-commission-europeenne-et.html [1]

Déjà en 2003, la revue Prescrire avait mis à mal les critères de calcul aboutissant aux 802 millions de dollars. Dans un article de mai 2011, la revue allemande indépendante Arznei-Telegramm va plus loin sur la base de contre calculs récents faits par des auteurs indépendants qui aboutissent, eux, à un coût médian de… 43 millions de dollars par médicament, en valeur médiane, soit un dix-huitième de la somme claironnée sur tous les toits par les laboratoires pharmaceutique. Et encore… Il s’agit d’une somme arrondie vers le haut.

Contrairement à la communication / désinformation des laboratoires, des analyses socio-économiques ont montré depuis longtemps que la R&D n’est pas le premier poste de dépenses. Ces énormes sommes d’argent ne sont pas englouties par la recherche, mais par le marketing (promotion sous diverses formes, publicités plus ou moins directes…), le financement du réseau de conflits d’intérêts (les leaders d’opinion et autres consultants, etc.), les pratiques de lobbying et en général par le financement de ce système de désinformation organisée qui résulte d’un ghost management quasi-parfait : une gestion invisible, mais omniprésente de tous les rouages du système de recherche, de formation et d’information médicales.

La communication désinforme aussi sur le reste : il n’y a plus de progrès thérapeutique significatif depuis 15 à 20 ans. Or produire des copies à peine modifiées d’anciens médicaments ne coûte pas des centaines de millions non plus et se fait plus vite (alors que les pharmas déplorent une durée plus longue du développement). Sans parler de l’économie qui résulte de la délocalisation de certaines parties de la recherche, de l’achat de matières premières et de la production qui se fait de plus en plus dans les pays pauvres… Seule la communication / marketing continue à être élaborée dans les pays occidentaux. Ce qui explique peut-être son coût…

Quant aux « fonds propres » et à la prise de risques, les communicateurs des labos oublient de dire que bon nombre de médicaments sont issus de la recherche publique, totalement ou partiellement, que les pharmas ont des subventions pour la recherche, ainsi que des déductions fiscales… Ainsi, nous payons une fois pour la recherche publique et une deuxième fois pour les prix élevés des médicaments, car la présence d’argent public ne fait curieusement pas baisser les prix… Mais nous payons aussi, à travers les prix, pour le marketing, le lobbying ainsi que pour les honoraires et autres largesses perçus par les leaders d’opinion qui agissent en VRP des firmes. Nous payons aussi pour les victimes de médicaments inutiles, inefficaces, risqués.

Bref, financer le système de désinformation organisée (nous) coûte cher.

La traduction française de l’article édifiant d’Arznei-Telegramm est disponible sur cette page :

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2011/06/24/le-medicament-a-800-millions-de-dollars-un-mythe-balaye-par.html [2]