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La LOPR : peu pour les chercheurs, tout pour le marché, rien pour la société

Mardi 11 octobre 2005 – Après nous avoir fait lanterner sans fin, Villepin-la montagne accouche d’une souris : ce projet est en retrait par rapport aux versions de l’année dernière et il en confirme les aspects négatifs.En fait, il n’y a plus besoin d’une loi : l’essentiel, ce qui correspond aux besoins des industriels, a déjà été fait et le reste (« la Science ») n’intéresse pas le gouvernement, qui, de toute façon, n’en a plus les moyens. D’où l’indigence de ce texte.

La LOPRI devient LOPR, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) a été créée et l’Agence de l’Innovation Industrielle (AII) a été mise en place, tout ceci pour renforcer les liens entre recherche publique et recherche privée, privilégier les besoins de recherche de la grande industrie et du secteur marchand, notamment par d’immenses cadeaux fiscaux à l’aveugle. Les Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), demandés par les États-Généraux de la Recherche, se contenteront des miettes laissées par les rutilants « Campus de Recherche ». Le premier sera constitué par l’École d’Économie de Paris chargée de renforcer l’orthodoxie économique en vigueur.

Mais le pire est que si le texte fait, dans son préambule, référence à la co-construction, aux besoins de la société, aux partenariats de recherche, ceux-ci sont complètement absents des propositions. Pas une fois les besoins non marchands vis à vis de la recherche ne sont cités (même l’expertise, cinquième fonction donnée à la recherche, est seulement vue comme un appui aux acteurs privés). Pas une fois les aspirations de la société civile à contribuer à l’orientation de la recherche ne sont prises en compte.

Ce projet de loi est même en retrait par rapport à la première version puisqu’il supprime les bourses « CRAPS » (équivalent des bourses CIFRE pour les collectivités territoriales et les associations). Rien d’analogue à la dynamique engagée par le Conseil Régional d’Île-de-France pour des partenariats entre recherche et société civile (appel à projet « PICRI »). Ici, le seul « pacte » et les seuls « partenariats » proposés visent à permettre aux entreprises de commanditer et piloter la recherche publique.

Quand au Haut Conseil de la Science (HCS), il reste un club de mandarins, sans que le Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie (CSRT) ne soit élargi à des acteurs du monde associatif. Le rôle du parlement est oublié, et notre proposition de dispositifs délibératifs et prospectifs type « conférences de citoyens » pour préparer périodiquement les décisions sur les grandes priorités de recherche est passée à la trappe.

De fait, privilégiant sans surprise un utilitarisme au sens libéral au nom de la Sainte Compétitivité, le gouvernement appauvrit la recherche publique et se révèle incapable de répondre aux besoins de recherche tout à fait réels mais orphelins qui émanent d’acteurs à but non lucratif ou pour des populations non solvables : énergies renouvelables et décroissance énergétique, santé environnementale, maladies négligées, agricultures alternatives et souveraineté alimentaire, logiciels libres, recherches participatives, etc.

Ce projet est inacceptable.