Une mobilisation historique pour Christian Vélot

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lundi 30 juin 2008

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C’est une première en France ! Des centaines de personnes venus de la France entière ont manifesté leur soutien à un chercheur, Christian Vélot, qui subit de nombreuses pressions morales et matérielles de la part de sa hiérarchie suite à ses prises de positions publiques contre les OGM agro-alimentaires. De la fac d’Orsay eau ministère de la Recherche à Paris, le cortège chamarré a fait entendre son message.

Petite piqûre de rappel au cas où cela serait encore nécessaire

Christian Vélot est enseignant-chercheur en génétique moléculaire à l’Université Paris-Sud. Depuis 2002, il est responsabble d’une équipe de recherche à l’Institut de Génétique et Microbiologie (IGM, Institut mixte CNRS-Université) sur le Centre Scientifique d’Orsay. Parallèlement à son activité d’enseignement et de recherche, il anime sur son temps personnel de nombreuses conférences à destination du grand public sur le thème des OGM. Ses conférences didactiques, dont l’une a notamment servi de document de travail à l’intergroupe OGM du Grenelle de l’Environnement, ont permis à de nombreux citoyens d’avoir accès à une connaissance de la réalité des OGM et ont contribué à la prise de conscience raisonnée des risques qu’ils portent. Il est aussi souvent intervenu en tant que témoin dans les procès de faucheurs volontaires.

Christian Vélot fait partie de ces lanceurs d’alerte qui oeuvrent pour faire valoir la réalité de certains risques et engager des débats démocratiques, là où l’obscurité et l’opacité sont de règle.

Cet engagement lui vaut, de la part de la direction de son Institut, de nombreuses pressions morales et matérielles, depuis l’accusation infondée d’impliquer son institution dans ses prises de position publiques, la confiscation de la totalité de ses reliquats de crédits pour 2008 et 2009, jusqu’à l’annonce en septembre dernier de l’exclusion arbitraire de son équipe de l’Institut à partir de fin 2009. De plus, Christian Vélot et son équipe ont fait l’objet pendant plus d’un an d’un harcèlement pour qu’ils quittent leurs locaux au prétexte de la mise en place d’un prétendu pôle de biotechnologie qui s’est avéré être un projet fantôme pas même budgétisé. Alors que le courrier officiel faisant état de son exclusion évoque pour seule raison son désaccord avec la politique scientifique de l’Institut, la direction de l’IGM se réfugie aujourd’hui derrière une prétendue « insuffisance » dans le nombre de ses publications et une incompatibilité personnelle avec le directeur adjoint de l’Institut (qui sera le futur directeur à partir de janvier 2010).

Une dynamique citoyenne est enclenchée


Christian Vélot à Orsay le 25 juin 2008

À l’appel de nombreuses organisations et partis , nous nous sommes retrouvés le matin du 25 juin dans le parc jouxtant l’université d’Orsay pour ensuite défiler dans un cortège qui a rassemblé près de 500 personnes derrière le banderole « Lanceurs d’alerte – citoyens responsables mais pas coupables », et en lançant des slogans tels que « La recherche avec les citoyens », « Un statut pour les lanceurs d’alerte », « Un labo pour Christian Vélot, un Vélot pour le labo ».

Nous avions demandé officiellement à la direction de l’IGM une demande de rendez-vous en marge de la manifestation. Celle-ci est démeurée lettre morte. En arrivant à l’Institut, les protagonistes de cette triste histoire – la directrice et le directeur-adjoint de l’Institut – n’étaient pas sur place. Étonnant non ? Après un premier accueil assez hostile par quelques responsables, nous avons pu obtenir une réunion avec deux membres du conseil scientifique de l’Institut, l’administratrice, et un autre chercheur, auxquels est venu se joindre M. Masson, Doyen de la Faculté des Sciences d’Orsay. Notre délégation était composée de Jacques Testart, André Cicolella, Claudia Neubauer, José Bové, Gilles Lemaire (ATTAC), Isabelle Goldringer (Sud Recherche), Patrick Boumier (SNTRS/CGT d’Orsay), Anny Poursinoff (conseillère régionale verte d’Ile de France) et Arnaud Apoteker (Greenpeace). Nous avons essayé d’obtenir des clarifications sur la question des budgets coupés, du déménagement, de l’évaluation scientifique et de la relation avec le directeur adjoint. Malgré une réelle volonté – que nous avons beaucoup apprécié – de la part du Doyen de la Faculté d’avoir lui aussi des éclaircissements sur ces points, il est apparu que la transparence n’était pas de mise à l’IGM : pas de rapport (pas même de traces écrites) de l’évaluation scientifique de Christian Vélot (pourtant réclamé par Sud Recherche depuis des mois), une opacité totale du budget sans possibilité de tracer les différents mouvements d’argent. À cette opacité totale s’ajoute le fait, comme il avait été précisé, lors de la réunion entre la direction de l’IGM et Sud Recherche en janvier 2008, que pour le directeur-adjoint de l’Institut, « C’est soit [lui] soit Christian Vélot ».


Manifestation du 25 juin 2008 à Orsay

Nous avons effectivement appris lors de cette réunion, que la dernière instance de décision reste et demeure le directeur qui peut rejeter l’intégration dans l’institut d’un scientifique même en cas d’évaluation scientifique positive : vive la démocratie ! Nous rappelons que c’est le directeur-adjoint de l’Institut qui a envoyé la lettre d’éviction à Christian Vélot – un document qui, encore une fois, ne fait aucune allusion à l’évaluation scientifique de Christian Vélot et ne mentionne que la politique scientifique de l’IGM.

Nous avons aussi rappelé qu’au-delà des problèmes personnels que rencontre Christian Vélot, ce cas révèle plusieurs questions fondamentales. Quel lien entre la recherche et les citoyens dans une époque où la recherche publique est de plus en plus incitée à travailler pour des intérêts privés et marchands ? Quelle transparence, pour les citoyens, du fonctionnement des institutions publiques, pourtant financées par les impôts ? Quel système d’évaluation des chercheurs dans la recherche publique (alignement exclusif sur le nombre de publications et leur facteur d’impacts, sans valorisation réelle des activités d’enseignement, d’éducation populaire ou de vulgarisation) ?

Le cas de Christian Vélot est aussi emblématique parce qu’il touche au plus grand débat scientifico-politico-économique français (et étranger) depuis des années, à savoir le débat sur les OGM.

Suite à nos échanges, nous avons donc demandé que :

- l’activité scientifique de CV soit réévaluée par une commission indépendante,

- la question des budgets soit réellement clarifiée,

- l’exclusion arbitraire de son équipe de l’Institut à partir de fin 2009 soit revue.

Un point positif : le Doyen de la Faculté nous a confirmé qu’une délégation sera accueillie le 9 juillet, en sa présence, par la présidence de l’Université, comme Christian Vélot en avait été officiellement informé le 20 juin dernier.


La matinée ainsi passée (la discussion a duré presque deux heures), nous nous sommes rendus à Paris où d’autres participants à la manifestation nous attendaient pour défiler du Parc de Luxembourg au Ministère de la Recherche. L’accueil parisien a été chaleureux malgré la présence, devant le ministère, d’une dizaine de CRS dont la tenue et l’harnachement n’était pas sans rappeler la superproduction américaine Starship Troopers.

Après quelques dizaines de minutes de tractations pour ramener de 9 à 5 le nombre des représentants de la manifestation acceptés en audience, nous (Christian Vélot, André Cicolella, Sandrine Bélier (FNE), José Bové et Jacques Testart) avons été reçus par Philippe Gillet (directeur de cabinet de Valérie Pécresse) et Jean-Christophe Dantonel (conseiller technique pour les sciences
du vivant et les biotechnologies). Nous avons d’abord déposé les signatures des pétitions pour Christian Vélot, Pierre Meneton et Véronique Lapides). Nos interlocuteurs se sont dits informés des 2 premiers cas (ceux des chercheurs). Philippe Gillet, géologue mais « capable de faire une conférence sur les OGM demain », nous a écouté en corrigeant souvent notre discours (le second couteau, et futur directeur, de l’Institut où travaille Christian n’est pas « sous-directeur » mais « directeur adjoint »… Ca change tout…). Quand nous avons contesté le manque de transparence dans la gestion de l’Institut (pas de trace accessible concernant les budgets ou l’évaluation des chercheurs), Philippe Gillet est resté de marbre (Jean-Christophe Dantonel étant tout entier dans le marbre permanent de sa dépendance administrative). Philippe Gillet a fait valoir qu’une évaluation à mi-parcours est moins grave que l’évaluation de fin de quadriennal, à quoi nous avons objecté qu’elle est très grave si elle aboutit à l’éviction d’un chercheur… Quand nous avons demandé que le ministère réclame ces documents, Philippe Gillet a répliqué que ce serait s’immiscer dans les affaires des chercheurs, ce qu’on ne manquerait pas de lui reprocher… Il semblait apprécier notre demande de réévaluation de la production scientifique de Christian… mais en s’en remettant à la sagesse du conseil scientifique de l’université.


Christian Vélot, José Bové et Jacques Testart

Nous avons aussi profité de cette entrevue pour rappeler les engagements unanimes du Grenelle sur la protection du lanceur d’alerte et le statut de l’expertise. Philippe Gillet et Jean-Christophe Dantonel ont affirmé de concert que la ministre y veillait…

Affaire à suivre donc…

Nous profitons de l’occasion pour remercier chaleureusement l’ensemble des organisations ayant répondu à l’appel mais aussi et surtout les manifestants venus de très loin parfois pour soutenir Christian Vélot et les démarches en faveur de la protection des lanceurs d’alerte.