Pour sauver la recherche : Quel contrat entre science et société ?

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mardi 9 mars 2004

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Après la culture, c’est au tour de la recherche publique de subir les coupes sombres à courte vue du gouvernement Raffarin. Suppressions de postes, réductions de crédits, renforcement des logiques de financement à court terme. On met la recherche publique au pain sec pour dégager des crédits redistribués aux entreprises sous la forme de ristournes fiscales à la recherche privée ; on précarise les chercheurs, à commencer par les jeunes. On retrouve là les recettes néo-libérales, à présent appliquées aux systèmes de recherche, qui sont en plein mutation depuis une ou deux décennies : constitution d’un marché de la connaissance, pilotage accru de la recherche par les acteurs économiques et ministériels au détriment de l’autonomie des chercheurs et de la recherche de base.

Dans ce contexte, la Fondation Sciences Citoyennes s’inscrit pleinement dans le mouvement de défense de la recherche publique. Sa défense, comme celle de l’éducation ou de la santé passe toutefois par une interrogation sur ses objectifs et ses modes de fonctionnement, par une réflexion critique sur son avenir. Les rôles de la recherche publique (production de connaissances, de citoyens, d’expertise publique, de culture) ne sauraient être limités à la seule « compétitivité ». Ses champs d’investigation doivent rester divers et ne sauraient se limiter à quelques grands programmes spatiaux ou nucléaires aspirateurs de crédits ni à quelques modes « nano » ou « bio » -technologiques, pendant que d’autres domaines de recherche (biologie intégrative, santé environnementale…) sont laissés à l’abandon.

C’est ainsi que la Fondation Sciences Citoyennes a choisi de faire des propositions dans un domaine qui touche directement tous les français : nous lançons avec « Ouvrons la recherche » des « forums de la recherche publique pour l’agriculture durable et une bonne alimentation, dans un environnement sain et des campagnes vivante » (appel à ces forums à signer sur http://www.sciencescitoyennes.org). Le combat pour « sauver la recherche » est aujourd’hui vital. Mais ce combat suppose de poser la question des sources de la crise. Celles-ci tiennent à la polarisation marchande de la recherche qui passe par la généralisation de l’appropriation des savoirs, par les liens étroits avec les marchés, par le poids accordé aux demandes industrielles de court terme. Mais la crise tient aussi aux crises sanitaires, écologiques, agricoles qui contribuent à ce que nos concitoyens voient dans la science et ses institutions autant la source de problèmes que des moyens pour leur résolution.

En réponse, quelle forme faut-il donner au contrat entre science et société ? Faut-il invoquer le mythe, jamais observé dans l’histoire, d’une science aux priorités totalement auto-définies par les chercheurs (fut-ce au nom d’une compétitivité future promise) ? Ou bien faut-il baser la nécessaire relégitimation de la recherche publique sur une co-construction de ses priorités avec la société civile ? Faut-il souhaiter une « République des savants » ou une démocratie des savoirs ? Le développement durable de la recherche n’est-il pas intimement lié au souci d’une recherche pour le développement durable ? Les chercheurs, aujourd’hui prisonniers de leurs liens avec les industriels, n’ont-ils pas une marge de liberté à gagner en pluralisant leurs partenariats, en jouant la carte des besoins d’expertise publique, du développement durable et de la co-production des savoirs ? Pour sauver la recherche publique, ne faut-il pas de toute urgence l’ouvrir au débat démocratique ?