Les cellules de planification

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lundi 26 janvier 2004

Miniature

Les « cellules de planification » (Plannungszellen) ont été initiées par le sociologue allemand Peter C. Dienel dans les années 1970. D’abord appliquées à la scène politique locale en Allemagne, elles se sont aujourd’hui répandues dans de nombreux autres pays. Aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Espagne, ce modèle est aussi connu sous le nom de « jury de citoyens » (citizens jury), avec des différences minimes par rapport au modèle allemand.

Les cellules de planification sont une sorte de conférence de consensus (voir la fiche précédente), mais tenues au niveau local. Leur objectif est d’améliorer les procédures de planification par l’intégration des personnes directement concernées, c’est-à-dire des habitants. Elles sont surtout utilisées au niveau des communes, dans le domaine spécifique de la planification urbaine. Les premières expérimentations ont eu lieu en Allemagne en 1972, dans la ville de Schwelm, à propos d’un dépôt d’ordures. Entre 1972 et 1994, environ 26 villes et communautés allemandes avaient utilisé ce modèle comme méthode de planification locale. Depuis, le recours au dispositif s’est multiplié.

Le dispositif repose sur un groupe d’environ 20 à 25 citoyens, sélectionnés de manière aléatoire et en prenant soin de maintenir un certain équilibre entre les professions, les sexes, les âges, etc. En Allemagne, ils sont choisis dans les listes des « bureaux d’enregistrement des habitants » (Einwohnermeldeamt), qui incluent les étrangers en situation régulière. Ces participants sont libérés de leur activité professionnelle pendant trois à quatre jours pour travailler sur un projet d’évaluation, de planification ou de contrôle relatif à un problème local d’urbanisme ou d’environnement et préparer des recommandations. Ils signent un contrat avec le commanditaire et sont rémunérés, ce qui favorise la motivation, le sérieux et la responsabilité.

Les commanditaires peuvent être des municipalités, des institutions ou des entreprises publiques comme par exemple des régies de transports en commun. Les sujets à traiter sont d’une grande variété : problèmes de transport public urbain, d’aménagement de centres-villes ou de quartiers, d’évaluation de technologies…

Les citoyens travaillent avec des experts et des représentants des différentes parties prenantes. Le but de la procédure est de leur fournir un maximum d’information et de points de vue différents sur les aspects économiques, politiques et sociaux du problème, de proposer différentes options en envisageant leurs conséquences à long terme, et de leur permettre de discuter et évaluer ces différentes options. La formation des citoyens s’étend sur plusieurs jours consécutifs, ponctués de séminaires, de discussions plénières ou en petits groupes, de projections vidéo et de visites sur le terrain. Pendant ce processus, le panel des citoyens est souvent divisé en groupes de cinq personnes (les « cellules de planification » proprement dites), afin d’encourager tous les participants à jouer un rôle actif.

Cette discussion dans les cellules de planification débouche sur la mise en forme de propositions et d’une évaluation des différentes options, qui sont ensuite réunies et comparées entre elles. Les résultats du travail des citoyens sont ensuite publiés sous la forme d’un rapport officiel d’expertise citoyenne, énonçant des recommandations et des avis concrets, qui est soumis aux décideurs politiques et au commanditaire. Même si, d’un point de vue juridique, l’entreprise ou l’organisation à la demande de laquelle le travail a été effectué n’est pas obligée de suivre les recommandations du panel de citoyens, il est crucial pour la crédibilité du processus que l’organisme s’engage à analyser sérieusement l’expertise produite par les citoyens, de prendre en compte leurs propositions et, si elle les refuse, d’en expliquer les raisons.

Un résultat convaincant de cette méthode est que les citoyens travaillent avec beaucoup d’enthousiasme et d’engagement et se révèlent capables, même dans un temps très restreint, de s’interroger sur des questions d’une grande complexité, de se positionner de manière informée et de proposer des solutions intéressantes, réalistes et orientées par l’intérêt général. Dienel et Renn remarquent que « d’un point de vue individuel, les participants font l’expérience d’un renforcement de leurs capacités et d’une responsabilité partagée, parce qu’ils jouent le rôle d’avocats de l’intérêt public dans des processus de décisions réels, et non un rôle de cobayes de l’expérimentation publique ou d’échantillons représentatifs pour des sondages d’opinion. Cette nouvelle expérience a le goût de l’aventure. Elle établie une confiance en soi et aide à construire l’identité personnelle aussi bien que sociale » (1). Ils ont ainsi remarqué que la majorité des citoyens ayant participé à de tels projets étaient très satisfaits par cette expérience et avaient signalé leur volonté de continuer à participer à ce type de processus et de travailler sur d’autres problèmes. Du point de vue de la société locale, les cellules de planification peuvent également être des moments clé pour susciter ou renforcer la confiance du public dans le système démocratique : il se sent écouté et pris pour sérieux, il voit que son opinion compte.

Le modèle a aussi ses limites. Il est adapté pour traiter des problèmes précis et ponctuels. Il l’est moins pour résoudre des problèmes complexes touchant différentes régions ou différents groupes sociaux. Il n’est pas auto-évolutif et la convocation d’une cellule de planification est généralement un processus « top-down ».

Fiche rédigée par Claudia Neubauer

NOTES
(1) Dienel et Renn, 1995, p. 125.