Les ateliers scénario

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lundi 26 janvier 2004

Miniature

En 1992, l’Office Danois de Technologie initiait un projet intitulé « Obstacles à l’écologie urbaine », centré sur des questions de déchets, d’énergie et d’habitat. Ses concepteurs avaient commencé par établir quatre scénarii retraçant chacun une journée de la vie d’une famille moyenne imaginaire. Des ateliers de travail furent organisés dans quatre villes différentes, regroupant des politiques, des experts, de représentants du monde économique et des habitants, avec pour objectif de développer des « visions » de l’écologie urbaine, d’identifier les obstacles à leur réalisation et de proposer des solutions pour lever ces obstacles. Les quatre scénarii servaient de base à ce travail, afin d’en garantir le caractère concret et de stimuler la créativité. Les résultats de cette expérience furent ensuite intégrés par le gouvernement danois dans un plan national d’écologie urbaine. Deux autres ateliers scénario ont été organisés depuis au Danemark : en 1995 sur « La librairie de l’avenir » et en 2001 sur « L’avenir de l’éducation ».

En 1994 fut mise en place dans le cadre de l’Union Européenne un programme intitulé European Awareness Scenario Workshops, afin d’encourager l’adoption de cette méthodologie dans d’autres régions européennes et de vérifier à quel point cette expérience était transférable ailleurs. Depuis, différents gouvernements européens ont organisé des ateliers scénario afin de développer une vision prospective sur l’avenir d’une ville ou d’une région sous l’angle d’un problème spécifique (énergie, traitement des déchets, technologies de l’information, etc.). Quelques expériences ont été menées en France (1).

Les ateliers scénario s’inscrivent explicitement dans le cadre de la réflexion sur le développement durable : il s’agit de se donner les moyens d’articuler visions globales et actions à court terme, et de réfléchir aux conditions d’une transition vers un développement qui soit viable sur le long terme. C’est pourquoi les objectifs sont souvent formulés à l’avance, en termes généraux (par exemple comment réorganiser la politique énergétique locale pour réduire la consommation de ressources non renouvelables et polluantes) : il s’agit alors pour les participants d’identifier des méthodes et des stratégies pour atteindre ces objectifs. Le but final de l’atelier étant de créer une base pour des actions locales, le dialogue entre les différents acteurs sociaux concernés est essentiel. Ces acteurs sont répartis en quatre groupes : habitants, élus et personnel des collectivités territoriales, acteurs économiques et experts. Le dialogue et l’échange de savoirs entre ces différents participants sont au cœur des ateliers.

Le processus

Si l’atelier proprement dit ne dure que deux à trois jours, sa préparation s’étend sur 12 à 18 mois, et chaque étape en est précisément définie par un protocole. Le groupe de pilotage, en comptant le responsable de projet, comprend cinq à sept personnes, compétentes dans le domaine abordé, qui choisissent les experts et préparent avec eux les scénarii. En parallèle sont choisis les participants et le lieu où se tiendra l’atelier. 5 à 8 personnes sont sélectionnées pour représenter chacun des quatre groupes. Selon l’ampleur de l’atelier, plusieurs processus peuvent être menés simultanément à différents endroits. Au contraire des conférences de consensus et des cellules de planification (voir les fiches précédentes), la composition du groupe des participants est très contrôlée, puisqu’il est essentiel que les différents intérêts concernés par le thème se confrontent. Il est demandé à ces participants de ne pas se contenter de parler en termes de faits ou de savoirs techniques, mais d’expliciter aussi leurs convictions et leurs valeurs.

Les scénarii alternatifs qui servent de base à ce travail sont établis en amont des ateliers et doivent être les plus réalistes possible. Ils sont produits par de petits groupes de spécialistes, puis discutés avec le groupe de pilotage et d’autres experts externes au processus et ajustés en conséquence avant que l’atelier proprement dit ne commence. Les scénarii proposés peuvent différer aussi bien du point de vue des choix technologiques (scénarii à « haute technologie » ou à « basse technologie », en fonction de l’investissement et de l’innovation requis), que des valeurs sociales et politiques et des solutions institutionnelles ou organisationnelles qu’ils supposent (par exemple, scénarii reposant sur les initiatives et comportements individuels ou à l’opposé scénarii reposant sur un engagement significatif de la puissance publique).

Dans un premier temps, les participants d’un même groupe social discutent entre eux pour échanger leurs expériences. Dans un deuxième temps, les discussions ont lieu entre les quatre groupes. Le travail comprend trois étapes : pendant la première phase (phase « critique »), les participants critiquent et révisent chacun des quatre scénarios, puis ils utilisent ces scénarios retravaillés pour développer leurs propres visions de l’avenir de leur commune, ville ou société. Au cours de cette seconde phase, ils sont également amenés à identifier les obstacles (culturels, institutionnels, économiques, législatifs, etc.) qui s’opposent à la réalisation de la vision de l’avenir qui a leur faveur. Enfin, au cours de la dernière phase, ils élaborent des propositions et des plans d’action afin de lever ces obstacles et mettre en œuvre leurs visions.

Aujourd’hui, les expériences d’ateliers scénario se multiplient partout dans le monde sur des sujets très divers, que ce soit à San Francisco en novembre 2001 sur les risques d’incendie ou dans l’Etat de l’Andhra Pradesh (Sud de l’Inde) sur les questions d’alimentation.

Fiche rédigée par Claudia Neubauer

NOTES
(1) Voir le site Internet d’European Awareness Scenario Workshops