Fondation Sciences Citoyennes et le lobbying

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vendredi 7 mai 2010

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Cette page ne donne pas de définition du lobbying, mais quelques indications et liens sur l’engagement et l’activité de la Fondation Sciences Citoyennes en la matière.

ONG lobbyistes ? Une confusion sémantique qui brouille les frontières et favorise le statu quo

Groupe d’influence, groupe de pression, groupe d’intérêts, lobbyiste – voilà des termes que la Fondation Sciences Citoyennes n’emploiera jamais pour définir ses positions et ses objectifs. Nous ne faisons pas du lobbying. En tant que tentative d’imposer des intérêts privés par des tractations dans les coulisses, celui-ci est à l’opposé de l’exercice de la citoyenneté. La délibération citoyenne permettant de dégager des intérêts universalisables à partir de positions particulières se fait en toute transparence, dans l’espace public politique qui définit le monde commun. Sa finalité est claire : la formation et la défense de l’intérêt général et du bien commun.

Puisque toutes les pseudo-réglementations adoptées récemment semblent reposer sur la notion de « représentant d’intérêt », il nous semble essentiel de faire la distinction entre les structures qui portent des intérêts publics et celles qui portent des intérêts privés. De même, concernant les associations, il faut distinguer l’activité des ONG qui n’ont pas de conflits d’intérêts et font un plaidoyer citoyen pour l’intérêt général, d’une part, et, d’autre part, des ONG financées par des industriels et qui leur servent d’alibi et des lobbyistes à proprement parler. Ceux-ci défendent par définition des intérêts privés qu’ils tentent d’imposer par des moyens détournés, profitant de leur puissance financière et de l’absence de législation claire et de moyens de répression et de dissuasion en la matière.

Qu’est-ce que ETAL ? Pourquoi s’engager ?

Notre acception forte de la citoyenneté, qui s’inscrit par ailleurs dans la tradition républicaine la plus stricte, a amené tout naturellement la Fondation Sciences Citoyennes à participer dès le départ à la constitution d’un réseau de veille et d’action citoyennes, construit autour de l’Appel lancé en 2008, accessible en intégralité sur cette page : « Appel citoyen pour un encadrement et une transparence des activités de lobbying en direction des instances de décision publique« .

Le réseau ETAL (Encadrement et transparence des activités de lobbying) réunit une vingtaine d’ONG et de syndicats tels ATTAC, Anticor, Amis de la Terre, Confédération paysanne, Adéquations, Greenpeace… Ses activités s’inscrivent dans la campagne citoyenne européenne ALTER-EU (Alliance for Lobbying Transparency & Ethics Regulation), qui regroupe au niveau européen plus de 160 groupes de la société civile.

La coordination du réseau ETAL est assurée par Yveline Nicolas, de l’association Adéquations.

La transparence, un leurre permettant d’empêcher l’exercice de la délibération démocratique, au nom de cette même… démocratie…

Le réseau ETAL a critiqué publiquement la réglementation de façade adoptée à l’Assemblée Nationale et au Sénat, qui ne limite nullement l’action des lobbyistes, mais le légitime et le banalise sous prétexte de transparence.

Or la transparence – qui est par ailleurs loin d’être acquise – ne serait en aucun cas être suffisante, ni dans le lobbying direct des industriels, ni dans les formes plus insidieuses que sont les conflits d’intérêts dans tous les aspects de la vie sociale et dans l’expertise scientifique. La Fondation Sciences Citoyennes a manifesté publiquement son inquiétude face à des positions qui donnent un satisfecit automatique, sans aucun état des lieux critique, au système d’expertise et de décision tel qu’il est, sous prétexte d’une plus grande transparence… dans les mots… Ainsi, nous disions ceci dans un communiqué de presse en date du 5 janvier 2009 :

« Ce satisfecit [exprimé par des leaders d’opinion lors d’une réunion à la Haute autorité de santé] devrait alerter la société civile sur un danger majeur : la transparence (fort lacunaire) sur les liens des experts avec des industriels n’est qu’un alibi servant à légitimer les conflits d’intérêts et à désamorcer jusqu’à la question de l’opportunité d’une délibération citoyenne sur le système dans son ensemble. Accepter le lobbying, l’influence par les groupes d’intérêt ainsi que les conflits d’intérêts, pourvu qu’ils soient transparents, c’est une pente glissante qui peut mener à la disparition pure et simple de l’intérêt général, faute de groupes d’intérêts puissants pour le porter. »

Dans son communiqué en date du 3 juillet 2009, ETAL s’étonnait de la conception de la transparence de nos députés, puisque les règles de transparence adoptées par l’Assemblée nationale l’ont été sans aucune transparence sur leur élaboration et sans aucune délibération démocratique.

La critique doit commencer par identifier les multiples facettes du lobbying et les structures qui en font un système

La dénonciation des conflits d’intérêts, du pantouflage, des mélanges malsains entre privé et public est une constante dans l’activité d’ALTER-EU et d’ETAL, indissociable du lobbying, qu’il ne faut pas réduire aux contacts directs entre un décideur et un lobbyiste professionnel. Les principales exigences des signataires de l’Appel traduisent déjà la polysémie du terme, reprenant plusieurs éléments qui composent le champ sémantique du lobbying :

— « L’interdiction du lobbying d’intérêts économiques et financiers privés dans des secteurs d’intérêt général essentiels tels que les droits humains, la préservation de l’environnement, la santé, l’éducation, la solidarité… ;
— L’interdiction de tout conflit d’intérêt entre la décision publique et des intérêts économiques catégoriels, pour que les élu-es aient les moyens d’exercer leurs fonctions de façon indépendante. »

Le saucissonnage des composantes du lobbying facilite leur légitimation et brouille l’intelligibilité globale du lobbying et de ses conséquences

Les leaders d’opinion tentent de dissocier le lobbying des conflits d’intérêts, comme s’il ne s’agissait pas de deux facettes du même phénomène. De même, certaines ONG ne s’inquiètent du lobbying que s’il facilite ou induit une corruption directement perceptible comme telle. La nuance est importante, parce que toute influence induit une altération du jugement – or cette altération des propriétés initiales est l’une des significations majeures du terme « corruption ».

Ce saucissonnage est un excellent moyen d’obscurcir le débat, de rendre la problématique à la fois moins lisible dans les liens qui unissent les diverses composantes d’un même système et moins visible dans les formes que prend le lobbying au quotidien, par-delà le contact direct des hommes politiques et autres décideurs avec les VRP des industriels. Les conséquences des conflits d’intérêts sont visibles directement, dans la vie quotidienne de chaque citoyen, si seulement il a les outils conceptuels nécessaires pour les percevoir pour ce qu’ils sont, par-delà les trompe-l’oeil. Or c’est précisément ce que le réseau ETAL et la Fondation Sciences Citoyennes se proposent de faire : fournir des moyens conceptuels et un instrumentaire adéquat qui permettent un recul critique, facilitent la compréhension des diverses facettes du lobbying comme de ses conséquences et rendent possible la formation d’un avis éclairé.

Légitimer le lobbying, les activités des groupes d’intérêt, les tentatives d’influencer les décisions, les liens financiers et autres unissant experts et industriels sous prétexte que cela fait partie du « jeu » démocratique élémentaire et à condition que le tout soit transparent – cette position semblait tout naturelle à Jean-Léonce Dupont, vice-président du Sénat, qui a présidé l’audition du réseau ETAL dans le cadre du groupe de travail de la Haute Assemblée sur la réglementation du lobbying. Voir le compte-rendu de l’audition en date du 29 septembre 2009.

Réglementations des assemblées françaises encore plus faibles que celles du Parlement européen

Lors de sa publication et dans un communiqué de presse en date du 9 octobre 2009, le réseau ETAL a souligné l’insuffisance des règles mises en place par le Sénat, et le décalage entre les propositions faites par les intervenants et les mesures prises. Partielles et imprécises, elles n’ont de toute façon pas pour objectif de limiter le lobbying, et Jean-Léonce Dupont nous l’avait clairement annoncé lors de l’audition.

Un registre des lobbyistes, sur le modèle de celui mis en place au Parlement européen, cela ressemble plus à un écran de fumée destiné à endormir la vigilance des citoyens qu’à une réglementation. De plus, des ONG veulent et peuvent elles aussi s’inscrire comme des lobbyistes, et certaines le font déjà au niveau des institutions européennes, ce qui aura tôt fait de brouiller encore plus la lisibilité de l’ensemble.

Comme le soulignait un communiqué d’ETAL, « Alter EU a récemment évalué le registre des lobbyistes mis en place par la Commission européenne, qui est un échec en raison de son caractère facultatif, du manque de précisions et de fiabilité des données financières. »

Voici le résumé du rapport d’ALTER-EU en date de juin 2009, qui contient des liens vers le texte complet.

A noter que les réglementations adoptées récemment par les deux assemblées ne prévoient nulle sanction en cas de manquement aux règles et à ce que les élus appellent « code de conduite ». Miser sur l’autocontrôle et sur l’autolimitation est non seulement irréaliste, mais aussi incompatible avec ce qu’on entend par contrôle démocratique et par encadrement éthique. C’est encore moins réaliste lorsque des intérêts énormes sont en jeu, portés par des cabinets de conseil ou des think tanks qui ne vivent que de leurs activités de lobbyistes pour les industriels, les financiers, les assurances…

Documentation, liens, suite

Tous les textes du réseau citoyen ETAL sont accessibles à partir de cette page : http://www.adequations.org/spip.php?mot101

Vous y trouverez aussi une documentation assez variée sur les questions liées directement ou indirectement au lobbying dans ses diverses formes.

Nous vous tiendrons informés de nos activités et de nos démarches dans le cadre d’ETAL sur le site de la FSC. Elles sont toutes animées par la volonté de limiter voire éliminer le lobbying sous toutes ses formes, d’offrir une grille de lecture critique aux citoyens afin qu’ils puissent décider en connaissance de cause (voir la rubrique sur les Conventions de Citoyens). Une autre motivation est la nécessité de provoquer une prise conscience des ONG sur les conséquences de la confusion sémantique qui sert les intérêts des lobbyistes professionnels, à savoir celle qui résulte de l’absence de frontières claires entre lobbyistes et associations effectuant un plaidoyer citoyen.

Sur ce point comme dans chacune de ses activités, la Fondation Sciences Citoyennes ne peut avancer que grâce à un engagement et à un soutien de plus en plus large des adhérents et des sympathisants. Nous avons besoin de vous pour diffuser l’information, soutenir ces démarches, partager des idées et des initiatives permettant de faire avancer ce combat de David contre Goliath.

N’hésitez pas à nous contacter en nous écrivant à l’adresse suivante : contact[at]sciencescitoyennes.org