Des citoyens vigilants

Par
jeudi 9 juin 2005

Miniature

« Alertes santé » est un ouvrage savant qui se lit néanmoins comme un roman que l’on aimerait de science-fiction, mais qui est malheureusement le constat alarmant des nouveaux dangers sanitaires et des luttes de pouvoir qui les entretiennent. C’est aussi le récit des sursauts citoyens qui, à force de ténacité et d’opiniâtreté dans le combat, permettront peut-être l’avènement d’un monde écologiquement meilleur. Le « Guide de l’écocitoyen », ouvrage pratique, est à lire et à consulter régulièrement pour avoir le geste vert en toutes circonstances.

Un plan national Environnement Santé existe depuis 2004. Le principe de précaution portant sur le « droit de chacun à vivre dans un environnement sain » figure dans la Constitution depuis le 28 février 2005. Augmentation de la prévalence des allergies, liens de près du quart des cancers avec des facteurs environnementaux, nouvelles maladies : plus personne ne conteste l’impact de l’environnement sur la santé. Encore faut-il que cette reconnaissance ait des conséquences concrètes grâce à une réelle volonté politique et citoyenne de changer les choses.

Tout commence par la conscience du danger, qu’il s’agisse de celui de la pollution de l’air, de l’eau ou de l’alimentation. L’histoire montre que les alertes données par le chercheur, mais aussi par le citoyen ont souvent été à l’origine de la démonstration d’un risque sanitaire. L’ouvrage d’André Cicolella et Dorothée Benoit-Browaeys retrace les principales affaires de santé publique de ces dernières années pour montrer l’intérêt de ces systèmes d’alerte, l’importance de leur qualité, celle du respect de l’éthique dans les lieux de production des connaissances et d’expertise et la nécessité de promouvoir ces systèmes en France où il sont encore peu connus.

Permettre la conscience citoyenne

Les auteurs maîtrisent parfaitement leur sujet : chercheur en santé environnementale, André Cicolella a lancé l’alerte à l’origine de la prise de conscience de la dangerosité des éthers de glycol et est responsable de la commission santé des Verts. Dorothée Benoit-Browaeys est journaliste scientifique et cofondatrice de l’association Vivagora pour le débat public sur les choix scientifiques et techniques. Les multiples affaires qu’ils relatent le montrent bien : la corrélation d’une pollution à une pathologie qu’elle aurait induite est difficile du fait de la complexité des éléments à analyser, qu’il s’agisse de la dangerosité des ondes électromagnétiques ou de l’alimentation industrielle, de la cancérogénicité des mycotoxines, de celle des friches industrielles (souvenons-nous du cas de Kodak à Vincennes). La causalité ou la responsabilité d’une pollution pâtissent aussi de l’absence d’indépendance des experts, de leur collusion avec l’industrie ou l’Etat et de l’absence de protection en France des experts ou des citoyens « lanceurs d’alerte » (crédits supprimés, licenciements, menaces plus ou moins explicites). Pour complexifier encore le sujet, le nombre de risques conjoints augmente. Pollutions chimiques, biologiques, électromagnétiques se potentialisent : identifier un seul coupable est donc de plus en plus compliqué, voire impossible. Nouveaux risques et nouvelles maladies imposent une nouvelle façon d[212]analyser les risques : « Il faut sortir des visions classiques, avec des chercheurs sans œillères dans des institutions résolument ouvertes aux nouveaux concepts et à l’écoute des citoyens », écrivent A. Cicolella et D. Benoit-Browaeys. Experts scientifiques souvent en porte-à-faux vis-à-vis de l[212]industrie et/ou du pouvoir politique et qui attendent d’être sûrs de leur réponse pour la donner, citoyens qui souhaiteraient des réponses et des actions rapides, le problème n’est pas simple, mais des solutions existent, qu’ils développent avec la conviction de militants.

Les gestes verts du citoyen

En écrivant leur premier « Guide de l’écocitoyen » en 1998, Catherine Faber, médecin, et Marie-Françoise de Pange-Talon, biologiste de formation, toutes deux collaboratrices du « Quotidien », avaient bien évalué la nécessité de cette indispensable prise de conscience citoyenne : s’appliquer à soi-même et dans la vie de tous les jours le principe de précaution et adopter les gestes et les attitudes capables de protéger sa santé, celles des autres et l’environnement. A l’heure de cette deuxième édition, les données se sont accumulées pour inciter le citoyen à agir au quotidien. Qu’il s’agisse de la gestion des déchets, de la qualité de l’eau, de l’entretien de la maison, de la sécurité alimentaire, de la pollution intérieure, de la protection contre le bruit ou de l’entretien écologique du jardin, ces deux écocitoyennes nous disent tout sur ce qu’il faut faire et ne pas faire. Truffé de recettes pratiques, de l’isolation naturelle de la maison au nettoyage des cuivres ou au bon usage de la lessive en passant par la maîtrise de l’énergie chez soi ou la bonne gestion _ de l’eau, ce guide est aussi la base indispensable de ceux qui veulent en savoir plus. Adresses, liens Internet, réglementations permettront à ceux qui le souhaitent de se documenter plus avant. Précieux pour les écologistes convaincus, ce guide pratique est à offrir à tous les récalcitrants pour qui l’écologie est synonyme de sacrifice au confort quotidien ou de pratique coûteuse.

Caroline Martineau


« Alertes santé », André Cicolella, Dorothée Benoit-Browaeys,
Fayard, 418 pages, 22 euros.