Conflits d’intérêts dans les recommandations de bonne pratique. Ou Comment l’influence pharmaceutique dissémine partout et devient invisible

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lundi 11 avril 2011

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À partir d’un exemple concret – une étude parue le 28 mars sur les conflits d’intérêts dans les recommandations de bonne pratique en cardiologie -, l’article explique comment ce niveau de formalisation des connaissances médicales permet d’occulter les conflits d’intérêts (financement industriel, liens d’intérêts des experts…) grâce à l’apparente neutralité du langage scientifique des « directives ». Elles se basent souvent sur des niveaux de preuve très faibles (l’opinion d’expert), ce qui n’empêche pas qu’elles deviennent LA référence dans le système des soins, permettent de disséminer partout l’influence pharmaceutique devenue invisible. Nous verrons que la déclaration publique et la transparence non seulement ne résolvent pas le problème, mais qu’elles sont à double tranchant.

Le point de départ et les thèmes abordés

Le numéro du 28 mars des Archives of Internal Medicine contient une analyse bien documentée de la déclaration ou non des diverses formes de conflits d’intérêts dans les 17 dernières recommandations de bonne pratique (RBP) élaborées sous l’égide des deux organisations professionnelles majeures dans la cardiologie : l’ACC (American College of Cardiology) et l’AHA (American Heart Association). Il s’agit des dernières 17 RBP parues entre 2004 et 2008.

L’article de Todd MENDELSON et al est paru sous le titre « Conflicts of Interest in Cardiovascular Clinical Practice Guidelines » (Arch Intern Med 2011; 171:577-584). Il est commenté dans un éditorial signé par le cardiologue Steven NISSEN, connu pour son implication dans plusieurs études et démarches visant des médicaments à rapport bénéfice – risques défavorables tels que l’Avandia (rosiglitazone). L’éditorial cinglant de Steven Nissen s’intitule « Can we trust cardiovascular practice guidelines? Comment on « Conflicts of interest in cardiovascular clinical practice guidelines » » (Peut-on faire confiance aux recommandations de bonne pratique clinique cardiovasculaire ? Arch Intern Med 2011; 171:584-585).

651 « épisodes » de conflits d’intérêts ont été dénombrés, pour 56% des 498 personnes impliquées dans la rédaction de ces 17 recommandations de bonne pratique (RBP).

Je voudrais insister particulièrement sur le rôle des avis d’expert et des recommandations de bonne pratique, parce que c’est l’une des articulations stratégiques du système de désinformation et de ghost management mis en place par les laboratoires pharmaceutiques, aux Etats-Unis comme partout ailleurs. A travers elles, des connaissances médicales déformées et biaisées par les conflits d’intérêts de la recherche et des experts apparaissent comme légitimes, comme étant de la science et non une traduction des intérêts privés de l’industrie pharmaceutique; elles sont formalisées et établies comme des modèles à suivre à tous les niveaux de la pratique médicale.

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/ghost-writing-ghost-management-auteurs-fantome

Cette formalisation permet d’occulter les biais initiaux et de disséminer partout les conflits d’intérêts, tout en les rendant illisibles et invisibles. C’est toute l’influence pharmaceutique qui devient ainsi invisible, sous l’apparence d’un discours scientifique qui paraît neutre et objectif. Ce qui vaut pour les Etats-Unis, vaut encore plus pour la France, où les laboratoires n’ont quasiment pas de contraintes et où nous avons un retard d’au moins 20 ans sur ces questions…

Se pose à nouveau la question de la transparence et de l’illusion de « gestion » des conflits d’intérêts par les déclarations publiques, dont je rappelle à nouveau l’insuffisance, m’appuyant sur les positions de la Fondation Sciences Citoyennes et  des articles plus anciens de Pharmacritique.

 

L’état de la question : trois études à ce sujet

 

Tout d’abord une enquête par Choudhry et al, parue dans le JAMA en 2002 et analysant 44 recommandations de bonne pratique sur diverses maladies chez l’adulte. Les auteurs ont fait état de 87% des rédacteurs (parmi les 52% qui ont répondu) qui avaient des liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique… De 87% en 2002, on passe à 56% entre 2004 et 2008. Faut-il y voir une conséquence de la politique (en vigueur aux Etats-Unis…) prônant une plus grande transparence et des initiatives pour limiter les conflits d’intérêts et informer l’opinion publique sur leur impact?

Choudhry NK, Stelfox HT, Detsky AS. Relationships between authors of clinical practice guidelines and the pharmaceutical industry. JAMA. 2002;287(5):612–617.

Papanikolaou GN, Baltogianni MS, Contopoulos-Ioannidis DG, Haidich AB, Giannakakis IA, Ioannidis JP. Reporting of conflicts of interest in guidelines of preventive and therapeutic interventions. BMC Med Res Methodol. 2001;13.

Boyd EA, Bero LA. Improving the use of research evidence in guideline development, 4: managing conflicts of interests. Health Res Policy Syst. 2006;416.

 

Rôle des recommandations de bonne pratique. Ou comment l’influence des laboratoires se dissémine partout, tout en devenant invisible à cause de sa traduction en langage scientifique d’apparence neutre

Les usagers dont je suis ne sont pas informés sur la façon dont sont formalisées les connaissances médicales dans des textes qui deviennent des références pour la pratique des médecins et des établissements des soins, pour la formation et l’information médicales. Aussi, je voudrais insister plus sur cet aspect, dans la mesure où ces considérations sont valables pour les recommandations de bonne pratique dans toutes les spécialités – ou sur toutes les maladies (selon la perspective), et dans tous les pays.

Todd Mendelson et al dans leur article et Steven Nissen dans son commentaire soulignent le rôle majeur des recommandations de bonne pratique à plusieurs niveaux du système de soins de santé, ce qui veut dire en clair que l’influence des laboratoires pharmaceutiques – exercée à travers les financements, les liens d’intérêts des experts, etc. – devient invisible lors de la mise en pratique de ces guidelines, mais ne reste pas moins omniprésente. A partir de ce niveau de formalisation, on ne peut plus suivre la relation de cause à effet entre conflits d’intérêts et informations biaisées, on ne peut plus voir que telle étude (JUPITER sur le Crestor (rosuvastatine), par exemple) traduit les intérêts de tel laboratoire à commercialiser telle statine, et non pas un bénéfice clinique quelconque, ni même l’utilité d’un traitement par statines. Si je puis me permettre cette comparaison simplificatrice : en psychanalyse, on parlerait d’un déplacement, qui rend la perlaboration plus difficile…

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/11/13/crestor-benefique-en-cas-de-crp-elevee-a-cholesterol-normal.html

Ces recommandations constituent « le standard [par rapport auquel] sont dispensés les soins » et qui est « enseigné en tant que tel dans les programmes de formation à tous les niveaux. Souvent, elles jouent aussi un rôle prédominant dans les démarches d’amélioration de la qualité (…). De surcroît, les recommandations de bonne pratique [RBP] sont de plus en plus utilisées dans les politiques nationales qui définissent [les critères de] remboursement et servent de standard dans les cas de fautes professionnelles (…) ». A noter que la faute professionnelle s’appelle « malpractice » en anglais : mauvaise pratique, évaluée comme telle par rapport aux « bonnes pratiques » définies par les recommandations…

« Certes, les conflits d’intérêts sont présents dans toutes les sphères de la médecine (…), cependant, leur rôle dans l’élaboration des recommandations de bonne pratique revêt une signification particulière. Des biais inadéquats présents dans le processus de production des RBP ont un effet indésirable potentiellement plus vaste sur les soins que les conflits d’intérêts individuels des praticiens. (…) [Une telle influence de l’industrie pharmaceutique] « mène à l’érosion de la confiance dans les recommandations. Un récent rapport (…) de l’Institute of Medicine sur les conflits d’intérêts dans la recherche, la formation et la pratique médicales souligne que la portée et l’étendue (scope) des conflits d’intérêts dans les recommandations n’ont pas été bien étudiées. Toutefois, le American College of Cardiology (ACC) et la American Heart Association (AHA) ont récemment mis en place des restrictions quant à la participation officielle [de l’industrie] à des manifestations de formation médicale et à la production de recommandations de bonne pratique, en accord avec le code régissant les interactions avec l’industrie pharmaceutique émis par le CMSS (Council of Medical Specialty Societies) ». (…)

« Les RBP jouent un rôle important dans la synthèse des informations pour les cliniciens, de même que dans les démarches visant à accroître l’uniformisation des pratiques en fonction de certains standards et à éviter l’usage non contrôlé de certains médicaments, procédures et dispositifs médicaux dans des indications où leur utilité n’a pas été prouvée. (…) Par conséquent, les RBP sont souvent le moyen de traduction dans la pratique clinique des données issues d’essais cliniques. Des campagnes nationales sont mises en place pour appeler à respecter de plus en plus les RBP dans la pratique quotidienne (…). Les mouvements ayant pour objet la sécurité des patients / le paiement à la performance [NdT : pay-for-performance, voir le CAPI en France : contrat d’amélioration des pratiques individuelles] / l’amélioration de la qualité des soins ont eux aussi commencé à intégrer les RBP dans les standards des soins et les politiques de remboursement (…) ».

Influence des firmes à travers les « opinions d’expert », déterminantes dans les recommandations

Dans l’EBM, evidence-based medicine ou « médecine fondée sur le niveau de preuve », l’opinion d’expert est le niveau le plus bas de preuve (niveau C, alors que le niveau A (le plus haut) est celui issu d’essais randomisés contrôlés en double aveugle (RCT : randomised controlled trials). Et pourtant, les opinions d’expert sont décisives dans les recommandations de bonne pratique…

J’ai souligné le rôle de Steven Nissen en particulier dans les études et prises de position concernant les risques cardiovasculaires des médicaments de la classe des glitazones telles que Avandia (rosiglitazone) et dans une moindre mesure Actos (pioglitazone). J’ai régulièrement attiré l’attention publiquement depuis décembre 2007 sur les effets indésirables d’Avandia et de toutes les glitazones, comme on peut le voir dans une dizaine d’articles de la catégorie « Diabète, Avandia, Actos, Lantus, insuline ». Il a fallu attendre 2010 pour voir Avandia retiré du marché en France »…

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/diabete_avandia_actos_insuline/

Steven Nissen est le chef du département de cardiologie de la Cleveland Clinic. Nissen déclare lui-même avoir eu des liens d’intérêts (financement de recherches) dont le bénéfice a été reversé à des associations à but non lucratif. Dans son éditorial qui commente l’article de Mendelson et al (“Can we trust cardiovascular practice guidelines? Comment on « Conflicts of interest in cardiovascular clinical practice guidelines”), il souligne le potentiel d’influence des experts ayant des conflits d’intérêts et émettant de telles opinions auxquelles la formalisation en RBP donne une légitimité scientifique qu’elles n’ont nullement :

“Proponents of the current approach to appointment of writing committees argue that CPGs are merely a synthesis of scientific evidence derived from peer-reviewed randomized clinical trials. Since the evidence behind the CPGs is independent and unbiased, the individuals interpreting the evidence have minimal opportunities to inappropriately influence the recommendations. However, recent studies seriously undermine such logic. Current CPGs rank the level of evidence underlying the recommendations. Level of Evidence A is designated for recommendations supported by multiple randomized trials and Level of Evidence C represents “expert opinion.” Tricoci et al 6 reported on the level of evidence underlying cardiovascular CPGs published from 1984 through 2008, demonstrating that nearly half of all recommendations were based on expert opinion. Thus, the CPG committee is not simply synthesizing external evidence but frequently providing their own “expert” opinions about what therapies or procedures are appropriate. The subjective nature of the CPGs makes it even more essential that these documents be free of commercial influence.”

 

Rôle des présidents des groupes de travail (ou premiers auteurs)

Steven Nissen souligne à juste titre que les experts les plus influents auteurs de telles “opinion d’experts” sont ceux qui dirigent les groupes de travail ou figurent comme auteurs principaux. Ils ont un rôle décisif dans l’assignation des rédacteurs pour l’élaboration de certaines sections du document et dans la supervision de l’ensemble. Selon Nissen, leur « indépendance est une question encore plus critique que celle de membres individuels des comités [de rédaction des RBP]. Et pourtant, le manuscrit dont nous parlons démontre que les dirigeants des groupes de travail sont plus à même d’avoir des conflits d’intérêts que les membres des comités, et cela de façon statistiquement significative: 81% vs 55% (P = .03). De tels résultats sont inquiétants et suggèrent que le processus de décision dans la sélection des dirigeants des groupes de travail mis en place pour élaborer des RBP cardiovasculaires est sérieusement entaché (flawed) ».

Déclarations d’intérêts incomplètes

 

Todd Mendelson et al notent qu’il y a une tendance relativement récente vers une déclaration plus systématique des conflits d’intérêts dans la production des recommandations de bonne pratique. Cela dit, une étude de Papanikolau et al (voir références plus haut) a montré que seules 7 sur les 171 recommandations de bonne pratique publiées dans les journaux médicaux entre 1979 et 1999 mentionnaient les conflits d’intérêts. Les 7 recommandations en question ont toutes été publiées en 1999. La plupart des RBP plus anciennes de l’ACC / AHA – et beaucoup de RBP d’autres organisations professionnelles – ne mentionnent pas les conflits d’intérêts, qui ne font l’objet que d’une déclaration orale lors des réunions des comités de rédaction.

Steven Nissen souligne dans son éditorial que la déclaration n’est en rien une garantie d’intégrité et d’absence d’influence et de biais. De plus, les délibérations ne sont pas publiques, donc on ne peut pas savoir comment les décisions sont prises, quel est le point de vue des experts ayant des liens d’intérêt. L’influence peut aller bien au-delà de ce que laissent penser les chiffres et pourcentages.

 

L’illusion de la « gestion » de l’influence pharmaceutique par la déclaration d’intérêts. Une transparence à double tranchant

Par ailleurs, Pharmacritique contient plusieurs articles à ce sujet, réunis sous la catégorie « Déclaration publique d’intérêts : la panacée ? », qui soulignent que la déclaration publique d’intérêts (DPI) n’est qu’une étape vers la transparence et ne saurait en rien légitimer les conflits d’intérêts, que certains trouvent moins dangereux du moment qu’ils sont déclarés. Jerome Kassirer en particulier a attiré l’attention sur le double tranchant de la déclaration (voir cet article) : miser sur elle, ce serait s’illusionner au point de perdre de vue le vrai problème et les solutions radicales.

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/declaration-des-conflits-d-interets-la-panacee

http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/07/22/miser-sur-la-declaration-des-conflits-d-interets-des-medecin.html

J’ai certes contribué depuis 2007 à populariser le Sunshine Act en France, et la Fondation Sciences Citoyennes a souligné dans ce communiqué de presse à quel point il était urgent de trouver une adaptation française des Physician Payment Sunshine Provisions, transcrites dans la législation des Etats-Unis depuis la loi de mars 2010 : « Transparence sur les conflits d’intérêts des médecins. Suivons l’exemple d’Obama ».

https://sciencescitoyennes.org/communique-transparence-sur-les-conflits-d%E2%80%99interets-des-medecins-suivons-l%E2%80%99exemple-d%E2%80%99obama-avec-les-physician-payment-sunshine-provisions/

Mais cela n’est nullement un accord avec l’idée d’une « gestion » suffisante par la transparence. L’idée d’une quelconque « gestion » des conflits d’intérêts, de même que leur catégorisation en « mineurs » et « majeurs », pratiquée aussi par l’AFSSAPS, n’est qu’une illusion, une mystification supplémentaire.

La transparence est certes nécessaire sur toutes les données scientifiques, à toutes les étapes des recherches scientifiques et des applications qui en sont tirées. Mais elle ne peut pas être une fin en elle-même. Au contraire, comme je le disais dans cet article, et comme le souligne la Fondation Sciences Citoyennes dans un autre communiqué, lui aussi bien documenté et référencé, la transparence peut être contre-productive, en ce qu’elle banalise et légitime les conflits d’intérêts, ainsi que l’existence de groupes de pression et de lobbying et des jeux d’influence qu’ils exercent. « La déontologie de l’expertise ne se limite pas à la transparence sur les conflits d’intérêts » :

https://sciencescitoyennes.org/la-deontologie-de-lexpertise-ne-se-limite-pas-a-la-transparence-sur-les-conflits-dinterets/

« La HAS, le LEEM (organisation de l’industrie pharmaceutique), l’AFSSA (Agence de sécurité des aliments), un conseiller d’Etat ainsi que des leaders d’opinion prétendent que le système d’expertise et d’information s’est amélioré, parce qu’ils prononcent désormais ouvertement le terme « conflits d’intérêts » et qu’un rudiment de déclaration publique d’intérêts existe… Ce satisfecit devrait alerter la société civile sur un danger majeur : la transparence (fort lacunaire) sur les liens des experts avec des industriels n’est qu’un alibi servant à légitimer les conflits d’intérêts et à désamorcer jusqu’à la question de l’opportunité d’une délibération citoyenne sur le système dans son ensemble. Accepter le lobbying, l’influence par les groupes d’intérêt ainsi que les conflits d’intérêts, pourvu qu’ils soient transparents, c’est une pente glissante qui peut mener à la disparition pure et simple de l’intérêt général, faute de groupes d’intérêts puissants pour le porter.

La transparence n’est pas un but en soi, mais une étape sur la voie de la limitation et de l’élimination des conflits d’intérêts. Cela est une ligne de force des propositions de la Fondation Sciences Citoyennes, avec la création d’une Haute autorité de l’expertise et de l’alerte indépendante. »

La proposition de loi sur la déontologie de l’expertise et la protection de l’alerte, qui décrit les principes qui doivent fonder une telle haute autorité, est accessible sur cette page du site de la Fondation.

https://sciencescitoyennes.org/la-deontologie-de-lexpertise-ne-se-limite-pas-a-la-transparence-sur-les-conflits-dinterets/

Le poncif sur les conflits d’intérêts inévitables…

Mendelson et al et Steven Nissen reviennent sur le cliché que nous rabâchent l’industrie pharmaceutique et tous ceux qui bénéficient directement ou indirectement de la situation actuelle : on ne pourrait pas se débarrasser des conflits d’intérêts, on ne pourrait pas se passer des experts qui ont de tels liens, parce qu’il n’y aurait pas assez d’experts indépendants…

De telles exigences seraient irréalistes.

Les auteurs rappellent qu’il y a quand même 44% d’experts n’ayant pas de conflits d’intérêts et que ce pourcentage pourrait augmenter si les usages devenaient plus restrictifs…

 

Commentaires de Sanjay Kaul

À noter les précisions apportées par le cardiologue Sanjay Kaul, interrogé par le site Cardiobrief. Je rappelle que Kaul a fait les gros titres lorsqu’il a été exclu d’un comité d’évaluation du prasugrel (Efient°) mis en place début 2009 par l’agence états-unienne du médicament (FDA), sous prétexte d’un… conflit d’intérêts intellectuel, du fait de ses prises de position critiques et publiques.

http://cardiobrief.org/2011/03/29/conflicts-of-interest-in-cardiovascular-guidelines/

Quatre formes principales de conflits d’intérêts ont été retenues par Mendelson et al. :

  • chercheur financé par l’industrie pharmaceutique ;
  • membre d’un speaker’s bureau / conférencier ayant reçu des honoraires ;
  • consultant / membre d’un comité scientifique d’une firme ;
  • possession d’actions / autre titres de propriété dans l’industrie pharmaceutique

Résultats et détails des conflits d’intérêts

Les résultats sont d’autant plus préoccupants que bon nombre de recommandations reposent plus sur les opinions d’expert que sur les résultats d’essais cliniques… 651 épisodes de conflits d’intérêts ont été mis en évidence. Voici les détails :

56% des auteurs ayant participé à la rédaction de l’une ou plusieurs des 17 recommandations de bonne pratique ont été au moins une fois en situation de conflits d’intérêts. 651 épisodes de conflits d’intérêts ont été dénombrés, pour 277 (56%) des 498 personnes impliquées dans la rédaction. En moyenne, chaque personne est impliquée dans 1.31 « épisodes », sur une échelle allant de 1 à 7. Le pourcentage varie d’une recommandation à l’autre, allant de 13% à 87%. Le rôle de membre d’un comité de rédaction de RBP – vs celui de relecteur (peer reviewer) – est associé à des conflits d’intérêts : 63% vs 51%; P = .006, de même que le rôle de président d’un groupe de travail ou de premier auteur : 81% vs 55%; P = .03. Seuls 105 des 498 personnes (21%) ont participé à deux recommandations ou plus.

510 firmes pharmaceutiques sont indiquées dans les déclarations d’intérêts, pour 18 organisations à but non lucratif. Le nombre moyen des laboratoires concernés est de 38 par recommandation, allant de 2 à … 242. Une firme se détache par sa présence multiple. Les conflits d’intérêts sont divisés en « majeurs » (29%) et « modestes » 54%), les autres étant considérés comme « modérés ».

 

Et en France ?

À quand une telle analyse de toutes les recommandations de bonne pratique émises en France par les autorités sanitaires (haute Autorité de Santé, AFSSAPS) comme par les organisations professionnelles, sachant que ces dernières sont quasiment toutes financées par l’industrie pharmaceutique et que la déclaration des conflits d’intérêts commence à peine à entrer dans les mœurs et qu’elle n’est jamais systématique, ni vérifiée ?