Appel à des forums de la recherche publique pour une agriculture durable et une bonne alimentation, dans un environnement sain et des campagnes vivantes

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mardi 21 décembre 2004

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Cet appel vous est adressé par la Fondation Sciences Citoyennes et par des chercheurs et enseignants des institutions publiques qui se sont mobilisés à l’occasion des lettres ouvertes « Ouvrons la recherche ». Face aux menaces qui pèsent sur la recherche publique et au malaise qui se développe au sujet de l’activité de recherche dans nos sociétés, cette initiative a pour objectif d’instaurer sur ce sujet important un débat ouvert à tous et de vous inviter à vous mobiliser en faveur de propositions positives.

En tant que citoyens, des chercheurs et des enseignants s’interrogent publiquement sur les orientations et l’utilisation de leurs travaux. Déclenchée par l’actualité, cette interrogation prend tout son sens dans l’Histoire. L’actualité, ce sont des technologies mises en cause par des crises alimentaires, des « progrès » refusés par des paysans en colère et à leur tour mis en accusation. L’Histoire, à nos portes comme au niveau mondial, ce sont les pressions pour un brevetage généralisé du vivant, les bouleversements de l’agriculture et de notre approvisionnement alimentaire, avec une contrepartie que nul ne peut ignorer : la dégradation croissante de ressources vitales de notre environnement.

Depuis le néolithique, les humains ont transformé les écosystèmes et inventé des formes très diverses d’agricultures. Dans les dernières décennies, les paysans ont dû progressivement intégrer leur activité à des filières agro-industrielles en concurrence sur le marché mondial. De la chimie à la distribution, les firmes manœuvrent sur les marchés pour contraindre, sinon contrôler, les modes de production agricole et la consommation alimentaire. La course au productivisme exige de chaque producteur qu’il livre toujours plus de produits, de plus en plus standardisés, avec des marges laminées par le coût des intrants et la pression de la grande distribution. Le paysan est assujetti de toutes parts : emploi de matériels spécifiques et coûteux, achat obligatoire de reproducteurs et de semences « améliorés », coût et dangers de l’usage massif de pesticides… Aujourd’hui, une poignée de firmes tente d’orienter les priorités de la recherche publique et veut imposer l’emploi d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Or, dans maintes régions du monde, même quand les greniers sont pleins, les paysans ont faim…

Ce processus historique a des dimensions non seulement technico-économiques et écologiques mais aussi politiques et culturelles. Il a notamment déterminé la création des institutions de recherche agronomique. Aujourd’hui, ces institutions doivent s’interroger.

Chacun en prend conscience : une agriculture toujours plus spécialisée et « chimisée », des écosystèmes dégradés, de l’eau polluée et de la « malbouffe » généralisée, des paysans dépendants et suspectés, des citoyens inquiets de la survie de notre planète… c’est une spirale mortifère.

Cependant, la société civile s’est fait entendre sur ces problèmes ces dernières années. Elle n’entend plus être laissée à l’écart des choix scientifiques liés à l’avenir de l’agriculture, à l’alimentation et à l’environnement. Dans le même temps, nombreux sont les agriculteurs soucieux de reconquérir une autonomie perdue, de redonner vie à nos campagnes tout en étant solidaires des paysans des autres régions du monde, de respecter la nature et les ressources rares, d’assurer la bonne qualité gustative et sanitaire de leurs produits.

Nombreux sont les chercheurs, préoccupés des orientations et des partenariats assignés par leurs institutions, qui s’interrogent sur les conditions dans lesquelles leurs activités pourraient mieux répondre à ces attentes. Nos institutions de recherche remplissent-elles leurs missions, quand elles se focalisent sur l’excellence académique, comme si toute avancée scientifique était porteuse de progrès sans risque, ou quand elles privilégient l’innovation technologique et le vivant breveté, sans évaluer ni dire au service de quels intérêts ?

Citoyens, agriculteurs, consommateurs, chercheurs : les acteurs des crises et des mobilisations que nous avons connues ces dernières années, aspirent donc à refonder un nouveau contrat entre recherche, agriculture et société. Pour trouver une issue par le haut, ouvrons la recherche au dialogue avec la société ! Mettons en débat les pratiques et les orientations de la recherche nécessaires à un développement durable !

C’est pourquoi les signataires de cet appel invitent toutes les forces vives du monde scientifique, du monde rural et de la société civile, à organiser et animer des Etats Généraux de la recherche en vue d’aider à définir de nouvelles politiques de recherche.

Ces forums partiront des questions suivantes : dans toute recherche liée à l’agriculture, à l’alimentation et à l’environnement, comment faire pour

- favoriser des formes d’agricultures locales et diversifiées, qui préservent la biodiversité et les potentialités productives de notre environnement, sans pollution de l’air, des eaux et des sols ?

- permettre au plus grand nombre de paysans, en France et ailleurs, de vivre de façon digne et autonome, et d’être pleinement contributeurs de l’innovation agricole ?

- fournir au plus grand nombre une alimentation saine, diversifiée et de haute qualité gustative ?

- entretenir des paysages ruraux qui soient un cadre de vie agréable et l’expression de la diversité écologique et culturelle ?


Premiers signataires :

Marc DUFUMIER, professeur, agro-économie, INA Paris-Grignon, Fondation Sciences Citoyennes

Pierre ALPHANDERY, chargé de recherche, sociologie, INRA Ivry

Jean-François BARE, directeur de recherche, anthropologie, IRD

Patrick BAUDOIN, vigneron, réseau « Vignerons dans nos AOC »

Marc BIED-CHARRETON, professeur émérite, géographie, Université de Versailles-St. Quentin

Christophe BONNEUIL, chercheur, histoire des sciences, CNRS Paris, Fondation Sciences Citoyennes

Alain BOURBOUZE, professeur, zootechnie, ENSA de Montpellier

Matthieu CALAME, ingénieur agronome, agriculteur à Magny en Vexin (Oise), président de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique

Pierre CAMPAGNE, professeur associé, économie rurale, CIHEAM Montpellier, « Ouvrons la Recherche »

Pierre CASTELLA, économie, Fondation Sciences Citoyennes, CRID, Paris

André CICOLELLA, toxicologue, INERIS, Fondation Sciences Citoyennes

Jean-Paul CHEYLAN, directeur de recherche, géographie, CNRS

Yves CROZAT, professeur, agronomie, ESA d’Angers

Estelle DELEAGE, agronome, docteur en sociologie, Ivry

Francis DELPEUCH, directeur de recherche, nutrition , IRD, Montpellier

Jean-Jacques DREVON, directeur de recherche, rhizobiologie, INRA Montpellier, « Ouvrons la Recherche »

Alain DUBRESSON, professeur, géographie, Université Paris X

Michel DULCIRE, chercheur, agronomie, CIRAD Montpellier, « ouvrons la recherche »

Guy DURAND, professeur, développement rural, ENSA Rennes

Daniel EVAIN, agriculteur à Dourdan, FNAB

Bernard FAYE, directeur de programme, productions animales, CIRAD

Denis GABORIAU, agriculteur et président du GRADEL (Réseau Agriculture Durable)

Yvan GAUTRONNEAU, enseignant chercheur, agronomie, ISARA Lyon

Isabelle GOLDRINGER, chercheuse, génétique végétale, INRA Le Moulon

Pierre-Henri GOUYON, professeur, écologie et évolution, Univ. Paris Sud

Michel GRIFFON, directeur de recherche, agro-économie, conseiller pour le développement durable du CIRAD

Jean-Yves GRIOT, président de COHERENCE (producteurs, consommateurs, environnementalistes), Genest Sains Isles (Mayenne)

Johann HUGUENIN, chercheur CIRAD, productions animales

Jean-Yves JAMIN, chercheur CIRAD, agronomie

Guy LE FUR, agriculteur à Ploumoguer (Finistère), membre du Conseil Economique et Social

Philippe LENA, directeur de recherche, sciences sociales, IRD

Philippe LHOSTE, délégué Sciences de l’animal, zootechnie et systèmes d’élevage, CIRAD

René LOUAIL, agriculteur à Saint Mayeux (Côtes d’Armor), membre du comité liaison Confédération Paysanne/INRA

Yves MANGUY, agriculteur à Londigny (Charentes), Coordination Nationale de Défense des Semences Fermières

Hubert MANICHON, professeur, agronomie, INA Paris-Grignon

Jean-Louis MARTIN, directeur de recherche, écologie, CNRS Montpellier

Michel MEURET, chercheur, écologie et zootechnie, INRA Avignon, « Ouvrons la Recherche »

Pierre MENETON, chercheur, maladies cardiovasculaires, INSERM Paris

Jean-Marc MEYNARD, directeur de recherche, agronomie, chef de département INRA-SAD

Jacques MORINEAU, agriculteur à Puisault (Vendée), président du Réseau Agriculture Durable,

Christian MOUCHET, professeur, développement rural , ENSA Rennes

Pierre-Louis OSTY, directeur de recherche, agronomie, INRA Toulouse, « Ouvrons la Recherche »

Christian PRAT, chercheur, sciences du sol, IRD Montpellier, « Ouvrons la Recherche », syndicaliste CGT

Bernard ROLLAND, ingénieur d’étude, génétique et amélioration des plantes, INRA Rennes, syndicaliste SUD

Alain RUELLAN, ancien directeur-général de l’IRD, sciences du sol, Fondation Sciences Citoyennes

Bernard SAUGIER, professeur, écologie et évolution, Univ. Paris Sud

Jacques TESTART, Directeur De Recherche, Biologie de la procréation, Inserm – Cea Fontenay Aux Roses

Jérôme THONNAT, chef du service Enseignement – Formation, CIRAD

Guy TREBUIL, directeur de recherche, agronomie, CIRAD-TERA

François WARLOP, Ingénieur agronome, arboriculture, Groupe de Recherche en Agriculture Biologique, Avignon


Tous les signataires