3. Un réseau international

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mercredi 2 octobre 2002

Miniature

Des publications dans des journaux scientifiques (aussi bien en sciences naturelles qu’en sciences sociales), des contacts personnels et des participations à des congrès internationaux des boutiquiers firent connaître l’expérience à l’étranger. Développées aux Pays-Bas, les boutiques de sciences s’essaimaient à partir des années 1990 dans plusieurs pays européens comme le Danemark, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche, la Roumanie et autres, mais aussi en Afrique de Sud, en Malaysia, au Canada, et en Israël. Dans les pays comme l’Allemagne, l’Autriche des boutiques liées à des universités et des boutiques indépendantes coexistent. Au Canada, les alliances de la recherche communautaire et universitaire’ ( Community University Research Alliances) sont des structures de coopération crées et gouvernées en commun par les universités et les communautés. Elles sont financées par le gouvernement canadien via un des conseils nationaux de la recherche pour effectuer de la recherche dans un domaine d’intérêt mutuel. En Israël, le « Haim Zippori Centre », une organisation non gouvernementale, qui a entre outre organisé la première conférence de citoyens en Israël, travaille partiellement comme une boutique de sciences.
La grande majorité de ces boutiques fonctionnent selon le type néerlandais des boutiques qui font plutôt de la recherche « pour » des communautés, c’est-à-dire à part de une demande concrète mais sans beaucoup impliquer le groupe demandant dans le propre travail de recherche. Un autre type de la science citoyenne sont les ‘centres de recherche citoyenne’ (community based research centres) aux Etats-Unis. Dans la majorité des cas ils sont également liés à des universités. Ils sont différents des boutiques hollandaises dans le sens où la participation des membres des communautés est beaucoup plus forte et l’organisation interne est différente. L’institut Loka qui est un promoteur de l’approche citoyenne à la science a réussi ces dernières années de mettre en réseau de nombreuses organisations locales américaines pour leur permettre d’échanger et de bénéficier des expériences très riches et variées et pour se reconnaître dans une démarche plus globale. Des publications de Richard Sclove ont fait la liaison entre les initiatives européennes et les « centres de recherche citoyenne » (community based research centers) aux Etats-Unis.

Le souhait de développer un réseau international était basé sur l’idée que le partage des informations, ressources, stratégies et idées crée une synergie des relations qui fait que le « output » du réseau sera plus grand que la somme de tous les parts. En plus, lier les membres d’une communauté quelconque encourage des débats, des délibérations et des solutions d’issus communs. Quelques-unes des boutiques existantes coopéraient déjà au niveau local, régional ou national mais il manquait une coopération structurée et formalisée afin de pouvoir profiter des différentes expériences et de promouvoir l’idée des boutiques de science. Selon D.Sclove et M.Lürsen la mission d’un réseau international des boutiques de sciences sera de faciliter l’interaction entre les boutiques, leurs clients, et d’autres partenaires y compris des groupes stratégiquement importants afin d’augmenter la qualité et l’efficacité du travail aussi bien que la stabilité, le nombre et la distribution géographique des boutiques. Il s’agit d’augmenter leur visibilité, l’accès à et l’impact social des boutiques de sciences et de leurs produits à tous les niveaux, du local au global (Lürsen and Sclove 2001).
Le but d’un premier projet nommé SCIPAS (Study and Conference on Improving public Access to Science through science shops ; « étude et conférence pour améliorer l’accès public à la science par des boutiques de science ») qui a duré de 1999 à 2001 était d’évaluer les opportunités, les conditions et l’impact social potentiel d’un tel réseau coopératif. Les partenaires du SCIPAS venaient de différents pays européens, d’Israël, de la Roumanie, d’Afrique de Sud et des Etats-Unis. Dans le cadre de ce projet des études ont été réalisées sur l’organisation et le travail d’une boutique de science, sur la création d’un magazine international et d’une banque de données gratuite et publique. Le rôle des boutiques de sciences pour le développement de l’éducation et de la recherche dans les universités, des bénéfices potentiels, et des conditions pour des coopérations internationales ont été également investigués.
Ces études ont donné naissance à deux projets : le magazine international des boutiques de sciences et la banque de données gratuite et publique. Le magazine trimestriel nommé  » Living knowledge – Journal of community based research  » a vu le jour en 2001. Il est dédié à la publication des expériences, des méthodes et des résultats scientifiques. Il fait également partie de la communication interne du réseau international afin de soutenir des boutiques existantes et l’émergence de nouvelles boutiques en leur fournissant des informations et des contacts (Steinhaus 2001). La banque de données est une structure interactive qui fournit les utilisateurs avec des ressources et des outils de la recherche citoyenne. Elle donne des informations sur les boutiques de sciences, des projets, des publications, des moyens de recherche, de la méthodologie et permet d’échanger le savoir-faire de chaque boutique de science, de voir de nouveaux trends, des idées, des priorités qui émergent. Elle permet aussi à l’utilisateur de rechercher par une variété d’option qui comprend entre autre le type d’organisation, le projet de recherche, le type de client, l’impact du projet etc. Elle devient de plus en plus utile tant que les membres rentrent leurs expériences (pour fournir le ‘most up-to-date knowledge’ sur la recherche citoyenne dans le monde) (Chopyak 2001). En janvier 2001, la conférence ‘living knowledge’ à laquelle ont participé plus que 100 personnes venantes de 19 pays de quatre continents, était une étape décisive (a milestone) dans la création du réseau international des boutiques de science.
Cette conférence, la banque de données et le magazine sont la base sur laquelle le réseau international des boutiques de sciences est en train d’être créé afin de renforcer les boutiques et leur impact social partout dans le monde. Le but est d’établir un réseau durable et vibrant. Le réseau se veut un outil pour augmenter la visibilité publique des boutiques de sciences et ainsi l’accès des groupes de clients potentiels. La collaboration au niveau international aide à utiliser des différentes expériences et à mener des études transnationales. Le bénéfice est double : interne, par l’information que le réseau peut fournir à ses membres et externe, en renforçant l’image des boutiques de sciences auprès d’autres institutions. Une des préoccupations du réseau consiste à développer et maintenir des relations efficaces et durables avec les médias et la presse aussi bien qu’avec des gouvernements, des décideurs politiques et des universités afin de communiquer activement sur l’issu des boutiques de sciences et de la recherche participative et pour appeler à un soutien institutionnel. Le réseau aura un comité qui proposera des stratégies et des options politiques pour le réseau alors que les membres du réseau décideront s’ils adoptent ces propositions ou pas. Pour assurer le travail administratif quotidien du réseau un Bureau international des boutiques de sciences sera créé (International Science Shops Office).

Ce que j’ai ressenti en participant à quelques rencontres internationales autour de la création du réseau international des boutiques de sciences, c’est, comme je m’imagine en peu l’atmosphère à l’époque des premières boutiques de sciences : un grand enthousiasme et envie des acteurs de s’engager pour leur cause. De modestes signes par exemple de la part de la Commission Européenne (CE), comme le nouveau plan d’action « Science et société » publié en décembre 2001 dans lequel figure la création du réseau parmi les trente huit points évoqués, signalent une prise de conscience des évolutions récentes dans ce secteur. En avril 2002 le nouveau réseau a répondu à un appel d’offre de « Public Awareness of science and technology » de la CE dans le cadre du 5ème PCRD (programme cadre de recherche et développement). Le projet a passé la première évaluation avec un avis positive et est actuellement en négociation du budget.