Conférence Living Knowledge – Objectifs et contexte de la conférence

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samedi 3 mars 2007

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Notre conférence des Savoirs vivants sera un espace d’échange international sur l’expertise citoyenne et la recherche participative, sur les nouveaux modes d’innovation coopérative, sur les partenariats entre recherche publique et acteurs de la société civile dans toutes les disciplines de recherche. Elle fera le bilan et abordera les perspectives des expériences de démocratisation des choix scientifiques et techniques.Quand chercheurs et citoyens co-produisent les savoirs et les décisions scientifiques et techniques

3e conférence Living knowledge – Savoirs vivants

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Contexte et objectifs

Organisée par la Fondation Sciences Citoyennes, le réseau international des boutiques des sciences (International Science Shops Network, ISSNET), le réseau international des ingénieurs et scientifiques pour la responsabilité mondiale (International Network of Engineers and Scientists for global responsibility, INES), le Centre de Sociologie de l’Innovation de l’Ecole des Mines (CSI) et l’Unité des Transformations sociales et politiques liées au vivant de l’INRA (TSV).

Objectifs de la conférence

La conférence sera un espace d’échange international sur l’expertise citoyenne et la recherche participative, sur les nouveaux modes d’innovation coopérative, sur les partenariats entre recherche publique et acteurs de la société civile dans toutes les disciplines de recherche. Elle fera le bilan et abordera les perspectives des expériences de démocratisation des choix scientifiques et techniques.

Les expériences et les réflexions de nombreux acteurs seront présentées. Parmi eux, des acteurs des boutiques des sciences, des ONG et des universitaires, des instituts indépendants, des centres de recherche participatifs, des acteurs de mouvements sociaux, et tous ceux qui partagent le désir d’un nouveau contrat social entre recherche et société. Les initiatives présentées couvriront un large éventail de domaines, depuis les questions concernant la santé, la pauvreté, la sécurité, le chômage, les transports, l’exclusion, jusqu’aux questions de genre, d’environnement et d’innovation coopérative, au niveau local ou mondial. Ces nombreuses initiatives, en Europe ou dans d’autres continents témoigneront de l’utilité sociale, économique et démocratique de ces diverses formes de sciences citoyennes. Elles offrent des points de vue inédits et des perspectives nouvelles sur la façon dont les sciences et la recherche peuvent être mobilisées pour le bien commun.

La conférence sera l’occasion de faire le point sur ces initiatives en répondant à un certain nombre de questions telles que :

Comment la recherche citoyenne et associative fonctionne-t-elle ? Quels types de savoir sont produits par ce biais, avec quelles perspectives et avec quels objectifs ?

De quelle manière la recherche citoyenne se confronte-t-elle aux cadres standards de la recherche scientifique, et aux paradigmes techno-scientifiques dominants ?

Quelles sont les pratiques d’échanges et de coopération dans les nouveaux modes non propriétaires et ascendants de production de savoirs ? Quelles sont les perspectives d’innovation ainsi développées ?

Quelle vision de nos sociétés ces nouveaux modes de recherche mettent-ils en avant ?

Quels sont les conditions d’un véritable développement, au-delà de niches et de marges, des activités de recherche citoyenne, associative, coopérative, et de dispositifs institutionnels expérimentant un véritable pilotage démocratique des choix scientifiques et techniques ?

Quelles sont les initiatives les plus riches d’enseignements dans différents pays et où en est l’Europe sur ces questions ?

La conférence s’adresse à un public intéressé par la co-production des décisions et des savoirs entre chercheurs, et collectifs citoyens, ou déjà impliqué dans de telles initiatives. Organisations Non Gouvernementales, chercheurs et ingénieurs de toutes disciplines, étudiants, citoyens et décideurs politiques sont invités à partager leurs expériences et idées.

Contexte

Les évolutions scientifiques et techniques affectent profondément nos sociétés, aussi bien sur le plan social, que politique, éthique, économique ou culturel. Les choix de recherche et les technologies sont des choix humains et cristallisent certaines structures de relations entre les humains (comme entre ceux-ci et leur environnement), les font perdurer, en favorisent de nouvelles tout en en écartant d’autres. Elles jouent donc un rôle clé dans l’exploration de différents futurs possibles, et dans la maîtrise d’un devenir collectif au sein des sociétés démocratiques. Il est donc crucial qu’elles enrichissent la démocratie et que la démocratie soit capable de les maîtriser.

Pourtant, la dimension sociale (au sens large) de cette exploration reste souvent implicite et les politiques relatives aux sciences et technologies sont généralement hors du champ d’intervention des citoyens. Les grandes orientations scientifiques et technologiques sont influencées par les lois du marché, puis par les chercheurs eux-mêmes et enfin, par des « décideurs », et les décisions sont souvent prises dans les angles morts et les points aveugles de nos systèmes démocratiques.

Le savoir scientifique n’est pas neutre, et les contextes dans lesquels certains types de savoirs sont priorisés sur d’autres (puisque nos ressources ne sont pas infinies alors qu’il y aurait une infinité de champs de recherche possibles) ne le sont pas non plus. Les considérations économiques et financières influencent de plus en plus les politiques de recherche. Les grandes orientations, et les financements alloués à la recherche sont distribués inégalement au sein de la communauté scientifique avec des appuis importants pour des domaines hautement technologiques, compétitifs et économiquement valorisables (e.g. biotechnologies, aérospatiale, nucléaire, militaire, nanotechnologies) au détriment d’autres domaines qui sont liés au développement soutenable et solidaire des sociétés humaines sur la planète (par exemple la recherche sur les maladies négligées touchant 90% de la population mondiale, la santé environnementale, l’agro-écologie et l’écologie, les énergies renouvelables et la complexité du pilotage des sociétés vers d’autres modèles de développement, l’étude des inégalités sociales et de genre, la production de savoir mutualiste en réseau et d’innovation non-propriétaire, etc.).

Si le débat public s’est emparé des effets de la mondialisation sur la santé, la culture ou l’éducation, il est temps de noter et corriger également ses effets sur la science, dont le pilotage est de plus en plus entre les mains du marché. Pourtant, les récents débats sur la recherche et l’innovation aux niveaux régional, national ou international, et les politiques publiques de recherche se limitent trop souvent à des questions d’attractivité, de compétition, de brevets et de puissance économique ou militaire. C’est cette vision dominante qui nous promet richesse et bien être tout en rendant les sciences « indiscutables » dans nos démocraties. Mais un développement techno-scientifique guidé par la seule quête de compétitivité suffira-t-il à trouver un nouveau « vivre ensemble » dans le respect d’une planète fragile et dans l’équité socio-économique ? Un développement humain et un gouvernement plus sage et équitable de la planète, seules conditions d’une paix juste et durable entre les humains, impliquent plutôt de prendre explicitement en compte d’autres considérations et d’inventer des espaces démocratiques où d’autres voix se font entendre dans l’élaboration des politiques de recherche et d’innovation.

Mais, pour ne prendre qu’un exemple, la gouvernance des universités s’est faite plus hiérarchique que démocratique ces dernières années, et a été largement polarisée par le resserrement des liens avec l’industrie. Cela a conduit à des logiques entrepreneuriales étroites laissant de côté les missions plus large des Universités vis-à-vis de la société. Ces évolutions ne laissent que très peu de marge au développement de partenariats de recherche et de formation en coopération avec la société civile et les « communautés » (dans le sens du mot anglais « communities » : quartiers, pays, et autres collectifs de projet), aux débats démocratiques ou aux réflexions sur les responsabilités des sciences et de ses impacts à long terme sur nos sociétés. Dans une véritable société de la connaissance, il serait pourtant nécessaire d’ouvrir les universités aux besoins non marchands et aux acteurs à but non lucratifs de la société, et de développer des relations directes et des coopérations entre universités et « communautés » développant en commun de nouveaux savoirs ouverts, innovants et socialement reconnus. Les universités peuvent tendre vers ce but en organisant la coopération d’organisations sociétales à but non lucratif sur leurs programmes et projets de recherche, en reliant ces coopérations avec les cursus universitaires et en soutenant, à travers une réforme de leur politique de propriété intellectuelle, les aspirations des scientifiques à une science ouverte, « open access ».

Les rapports de nos sociétés aux sciences ont profondément changé. L’expansion de la recherche n’est plus automatiquement associée à un progrès humain et diverses crises ont mis les questions de risque et de précaution au centre des préoccupations citoyennes. Cependant, des études montrent que le sentiment prédominant dans la société n’est pas une peur de la science ou un manque de considération pour elle, mais plutôt un sentiment grandissant du manque de maîtrise collective des structures technoscientifiques et économiques à l’heure de la mondialisation. Par ailleurs, ces dernières décennies ont vu un renforcement considérable de la capacité des acteurs de la société civile, non simplement à contester mais à produire les savoirs et les innovations contribuant au bien-être de nos sociétés. La montée de l’expertise associative du local au global, la mobilisation d’usagers (patients, consommateurs, etc.) pour co-produire les savoirs qui les concernent, et l’émergence de mouvements de création coopérative de pair à pair (Logiciels libres, Web 2.0, semences paysannes, etc.) en témoignent. A côte de la recherche publique et de la recherche privée, un tiers-secteur de la connaissance et de l’innovation est en passe de devenir un acteur majeur des sociétés de la connaissance du 21ème siècle. Encore faut-il que les politiques publiques des sciences et des technologies en prennent pleinement conscience. La recherche n’en serait pas inhibée mais au contraire enrichie et fécondée par cette créativité sociétale disséminée.

Dans les sociétés de connaissance, la citoyenneté n’est plus seulement une question de diffusion de connaissances savantes constituées (cf. les politiques de « public understanding of science » ou de « culture scientifique et technique »). Elle implique également l’accès de chacun à la production de savoirs et aux décisions sur l’orientation des recherches et des innovations qui façonnent notre monde. Il s’agit en somme de partager, non plus une science déjà faite, mais une science en devenir.

Les co-organisateurs de la conférence estiment donc qu’une science pour tous doit se faire avec tous et doit inclure un dialogue avec les acteurs dont les opinions et savoirs ont si longtemps été dévalorisés (communautés autochtones, femmes, patients, paysans, associations…). Il existe de par le monde une foule d’initiatives en ce sens portées par des acteurs divers (universités et organismes de recherche, pouvoirs publics, chercheurs, associations et mouvements citoyens…). L’objectif de cette conférence est donc de renforcer les partages d’expérience entre ces acteurs de divers pays.

En conséquence, la conférence sera centrée sur :

La promotion d’une citoyenneté active sur les enjeux scientifiques et technologiques

La construction de partenariats équitables et d’appui à la recherche avec les organisations de la société civiles

Le développement de concepts et d’outils pour la recherche citoyenne afin de contribuer au développement des programmes de recherche et des méthodologies dans les institutions de recherche telles que les universités

Le soutien aux chercheurs désireux de travailler pour et avec les citoyens

La facilitation de la recherche associative et citoyenne, au niveau local et international

Le développement de stratégies et de concepts pour outiller les associations afin de peser sur les politiques scientifiques et technologiques

Le soutien à de nouveaux modes d’innovation (soutenables, distribués, horizontaux, non propriétaires, mutualistes, etc.)
Le soutien au développement européen et international du réseau des boutiques des sciences et au développement des organisations de recherche participative