Les mécanismes de flexibilité de Kyoto

Par
lundi 30 octobre 2000

Miniature

Depuis plusieurs années, des négociations internationales sur le réchauffement climatique sont engagées. Dans quelques jours, la conférence de La Haye (du 13 au 24 novembre 2000) va marquer une étape dans ce processus. A cette occasion, la CFDD souhaite d’une part attirer l’attention de l’opinion sur l’importance de cette réunion, et d’autre part rappeler aux pouvoirs publics la nécessité de respecter les exigences du développement durable dans ses composantes sociales et écologiques, en insistant sur les valeurs d’équité et de solidarité.

A Kyoto en 1997, un certain nombre de pays industrialisés se sont engagés a réduire leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux d’émissions de 1990. L’accord de Kyoto prévoyait de plus la possibilité, pour les pays qui s’engagent à ces réductions, d’avoir recours à des mécanismes dits de « flexibilité » fondés sur la notion d’échange :

- Soit il s’agit d’échanges entre pays qui ont fixé leurs réductions d’émissions : par le biais de « permis négociables » ou « d’application conjointe », ils pourront atteindre leur objectif à moindre coût, grâce à des échanges de nature commerciale (c’est ce que l’on a baptisé communément l’achat de droits d’émettre).

- Soit il s’agit d’échanges entre pays industrialisés et pays en développement : les pays en développement peuvent acquérir des technologies dites « propres » (à moindre émission de gaz à effet de serre), et les pays industrialisés pourvoyeurs de ces technologies inclure dans leur engagement la réduction des émissions ainsi obtenue ailleurs. Ce mécanisme est connu sous le nom de « mécanisme de développement propre ».

L’un des objectifs majeurs de la prochaine conférence de La Haye est de définir précisément les modalités et les règles de fonctionnement et de contrôle de ces nouveaux mécanismes.

La CFDD tient à rappeler que la mise en œuvre éventuelle de ces mécanismes doit tenir compte des principes fondateurs du développement durable, avec les exigences de solidarité, d’équité et de souci du long terme qui y sont attachées.

Du point de vue du développement,la CFDD met en garde contre les effets pervers d’un emploi irréfléchi des mécanismes de flexibilité sur le développement des pays concernés. En effet :

- L’échange de permis négociables, dans celui des pays qui contraint son économie et sa population à de plus fortes réductions d’émission pour vendre sur le marché des crédits d’émission, peut entraîner un renforcement des inégalités sociales.

- Certains projets présentés au titre du « développement propre », comme la « séquestration » de carbone par la plantation de forêts, reviennent à de l’exportation de déchets plutôt qu’à de réels projets de développement dans les pays qui les hébergent. En effet ceux-là présentent un contenu nul voire négatif pour les pays d’accueil en terme de développement, qui exige valeur ajoutée et emplois locaux, transferts de technologie, etc..

- Les pays les moins avancés, parce qu’ils émettent encore très peu de gaz à effet de serre, risquent d’être laissés pour compte des bénéfices qu’ils seraient en droit d’attendre de l’application du « mécanisme de développement propre », au profit des pays en développement les plus avancés.

Du point de vue de la durabilité du développement, la CFDD alerte l’opinion et les pouvoirs publics sur les points suivants :

L’impérieuse nécessité de prise en compte des autres risques d’environnement global dans l’appréciation à porter sur les mécanismes de flexibilité de Kyoto (épuisement des sources fossiles, risques associés à l’énergie nucléaire, concurrence d’usage et dégradation des sols, pertes de biodiversité globale). En effet l’emploi de ces mécanismes, justifié par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, est susceptible d’aggraver ces autres risques.

En particulier, la CFDD considère que l’application du principe de précaution doit conduire à exclure les technologies nucléaires des mécanismes de flexibilité de Kyoto, tant que des engagements de limitation de la croissance des flux et des stocks de déchets nucléaires à haute activité et longue durée de vie n’auront pas été élaborés. Car si l’électricité nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre, elle accumule des déchets dangereux pour lesquels les pays industriels eux-mêmes ne disposent pas pour l’heure de solution satisfaisante.

L’importance de la poursuite à long terme des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La CFDD rappelle tout d’abord que l’objectif de réduction globale des émissions de gaz à effet de serre ne saurait être atteint sans un effort effectif majeur de réduction des émissions des pays industrialisés eux mêmes. La CFDD considère de plus que la notion de convergence de tous les pays vers un objectif à long terme commun à tous les hommes (par exemple une quantité d’émissions de gaz à effet de serre par habitant en 2060) est un élément primordial de cohésion internationale et de mise en cohérence des engagements de chacun.

La CFDD met donc en garde l’opinion et les pouvoirs publics contre les risques qu’une marchandisation sans finalité de convergence clairement affirmée peut induire à long terme. Un emploi non maîtrisé des différents mécanismes de flexibilité conduirait en effet à augmenter avec le temps les écarts des situations d’émission des pays y faisant appel au lieu de les atténuer.

La CFDD souhaite vivement que ces recommandations soient prises en compte par les pouvoirs publics français et par l’Union européenne, dans les négociations qui s’ouvrent à La Haye.