« Sécu et Grenelle, deux facettes du même problème »

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dimanche 4 novembre 2007

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Toxicologue, André Cicolella a mis en évidence la dangerosité des éthers de glycol, au début des années 1990. Mis à la porte de l’institution qui l’employait en 1994, il a été rétabli dans ses droits en octobre 2000 par la Cour de cassation qui a reconnu le caractère abusif de son licenciement. Depuis, cet expert continue de sonder les liens entre santé et environnement et défend à ce titre un dispositif qui permettrait de protéger les « lanceurs d’alerte ». Représentant de l’Alliance pour la planète au sein du Grenelle de l’environnement, il a participé hier à une table ronde sur ce thème organisé par la Fondation sciences citoyennes, aux côtés d’autres chercheurs, mais aussi (fait nouveau) de syndicats et dcomme la CGT, la CFDT, Attac, ou Greenpeace.

Cette mobilisation sur les « lanceurs d’alerte » et la défense d’une expertise indépendante peut-elle être reprise dans le Grenelle ?

André Cicolella. Dans un premier temps, le gouvernement n’a pas repris ces idées dans son texte de synthèse. Il les a depuis réintégrées avec moult précautions. Le consensus est pourtant assez large sur ces dispositifs, déjà mis en place dans plusieurs pays : aux États-Unis, avec le Whistleblower Act (1992), ou plus – récemment en Grande-Bretagne, avec le Public Interest Disclosure Act. Cela montre que, quand la société porte certaines revendications, le politique peut en tenir compte.

Dans quelles circonstances avez-vous pâti de vos prises de positions ?

André Cicolella. En 1994, j’ai été viré du jour au lendemain de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour avoir, quelques jours plus tôt lors d’un colloque que j’organisais, souligné la dangerosité des éthers de glycol. Le directeur m’a immédiatement licencié, très clairement sur intervention de l’industrie chimique.

Ces lobbies restent très présents dans le Grenelle…

André Cicolella. C’est un lieu de débats, c’est normal. Mais quand 81 % de la population est favorable, par exemple, à une réduction de l’utilisation des pesticides, cela doit être pris en compte.

Les questions de santé et d’environnement ont-elles été bien traitées dans ce Grenelle ?

André Cicolella. Elles auraient pu être mieux traitées. Il a fallu qu’on bataille fortement sur le constat : selon nous, l’enjeu de la santé environnementale doit être placé au coeur de la politique de santé, et non pas à la marge. Un premier texte de synthèse nous a été proposé, il était digne des années 1960, et revenait par exemple sur le principe de précaution. Le fruit d’une offensive concertée, avec dans la foulée la prise de position de la commission Attali contre ce même principe ou encore le rapport des Académies de médecine et des sciences minimisant l’impact de l’environnement sur les cancers. On a réussi à faire sortir ce texte par la porte, mais il est revenu en partie par la fenêtre. Pourtant, deux événements très importants auront lieu le même jour : la discussion du plan de financement de la Sécurité sociale et le Grenelle de l’environnement. On fait comme s’il s’agissait de deux choses différentes. C’est faux : ce sont deux facettes d’un même problème. La croissance des dépenses d’assurance maladie est liée à la croissance des maladies chroniques. Et pourtant, côté Grenelle, on discute d’environnement sans faire le lien avec l’impact sanitaire.

L’objectif affiché est de sortir 15 à 20 mesures fortes. Y en aura-t-il selon vous qui concerneront la santé ?

André Cicolella. Je l’espère. J’espère notamment que le rapport de forces sera suffisant pour avancer sur plusieurs sujets concrets : la réduction des pesticides, avec un objectif chiffré ; l’élimination des substances toxiques de type CMR (cancérogènes, mutagènes, rétrotoxiques) mais aussi ce qu’on appelle les perturbateurs endocriniens ; la création d’un Institut de veille environnementale, capital pour connaître la pollution des milieux, les émissions de polluants, autant de données qui sont aujourd’hui dispersées, parfois même pas collectées ; et, bien sûr, la mise en place d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte et de l’expertise.